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« Affronter le choc des réalités » : l’analyse du Policy Center for the New South
July 7, 2025

Cet article a été publié initialement sur lopinion.fr

 

« Afrique/Europe : il faut repolitiser pour mieux coopérer », selon Karim el Aynaoui, président Exécutif Policy Center for the New South

 

Pour la majorité des pays du Sud, la brutalité des relations internationales et des rapports de force qui les constituent ne sont pas une donnée nouvelle. Dans certaines régions, les conflits internationaux et les jeux de puissance ont laissé des traces profondes, dont certains pays et leur voisinage peinent encore à se relever. En l’absence de garanties de sécurité fournies par une puissance tierce, comme c’est le cas dans la relation qui lie les États-Unis à ses alliés d’Asie-Pacifique et d’Europe, ces États ont dû intégrer à leurs budgets les coûts d’un risque géopolitique qui n’a jamais disparu et s’est parfois matérialisé. C’est probablement pour cela que l’adaptation à la nouvelle ère géopolitique est perçue comme étant relativement plus aisée pour les pays du Sud, en particulier les économies émergentes à revenu intermédiaire.

Le passage à ces temps nouveaux ne pourra se faire sans heurts, au vu de la nécessité de prendre soin du front intérieur, défini comme l’ensemble des éléments qui constituent la cohésion sociale, les équilibres macroéconomiques, l’ordre public et la résilience environnementale. Les États devront en quelque sorte refaire l’apprentissage d’une gestion publique plus rigoureuse, intégrant la capacité à conduire des réformes, à déployer des politiques publiques efficaces, à piloter leurs finances publiques et leur monnaie et à gérer l’incertitude dans un environnement international où les erreurs seront de plus en plus coûteuses. L’acquisition ou le maintien d’un certain degré d’autonomie stratégique et la préservation de la sécurité et de la souveraineté nationales se feront à ce prix.

Bien sûr, tous les États ne partent pas du même point. Mais c’est aux conditions susmentionnées que les pays du Sud pourront par exemple tirer profit des reconfigurations en cours à l’échelle internationale, notamment celles qui ont trait au redéploiement des chaînes de valeur mondiales. C’est en effet grâce aux efforts consentis en faveur de leur propre stabilité que des économies pourront se positionner comme des « connecteurs géoéconomiques », au rang desquels figurent aujourd’hui des pays comme le Maroc et le Vietnam.

Dans ce contexte, le poids stratégique de certains partenaires de l’Europe gagnerait à être réhaussé et revalorisé. Pour en prendre compte, il apparaît en particulier nécessaire, à l’heure de l’assèchement des ressources de l’aide publique au développement, de repolitiser les relations avec ces pays, de les libérer des carcans technicistes et de les réinventer sur des bases plus ambitieuses.

Ainsi, avec l’Afrique, il importe d’insuffler une dynamique nouvelle, en mettant à profit des trajectoires démographiques opposées mais complémentaires et au bénéfice des impératifs stratégiques des deux continents. En particulier, on peut concevoir la mise sur pied d’institutions et d’instruments multilatéraux qui auraient pour rôle de faciliter l’allocation des capitaux des fonds de pension européens vers le financement à long terme des infrastructures d’Afrique, en tirant profit des taux de croissance – et donc, des rendements – plus élevés que promet le continent. De tels partenariats contribueraient à l’édification d’une communauté d’intérêts réaliste et pérenne.

Pour aller plus loin : retrouvez Karim el Aynaoui aux Les Rencontres Économiques - 3-4-5 juillet 2025 : le 5 juillet à 17 h 45, à la Session 38 - Construire sans reproduire, l’Afrique face à ses propres choix - Les Rencontres Économiques

 

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