Publications /
Opinion

Back
Terrorisme au Sahel : le verrou Burkinabé ne doit pas sauter
Authors
May 23, 2019

Un enlèvement au Bénin

Le 1er de ce mois de mai, alors qu’éclatent au Bénin des violences au sujet des résultats des élections, deux touristes français sont enlevés au parc de Pendjari, au Nord-ouest du pays, à proximité des frontières avec le Burkina Faso.

Trois jours, plus tard, les autorités béninoises confirment l’enlèvement et soulignent la découverte, dans le cadre de l’enquête, du corps d’un homme qui s’avérera, par la suite, être celui du guide béninois des touristes enlevés.

Les premières constations de cette enquête révèleront, également, des traces de traversées de la rivière Pendjari en direction du Burkina Faso.

Le 10 mai, au matin, les autorités françaises annoncent la libération des personnes enlevées, grâce à une opération de l’armée française qui a engagé une vingtaine d’éléments commandos. L’opération, appuyée par le renseignement américain et la logistique de l’armée burkinabée, s’est soldée par :

- La libération de quatre otages – les deux Français, une Américaine et une Coréenne, dont la présence aux mains des ravisseurs était ignorée de l’armée française ;

- Le décès de deux soldats français et de quatre des six ravisseurs, deux ayant réussi à prendre la fuite.

Il ressort des déclarations de la ministre française des Armées et du chef d’Etat-major français, que les ravisseurs avaient été pistés dès les premières heures avant l’enlèvement jusqu’au moment où les conditions avaient été favorables à l’infiltration et à l’assaut.

Le Benin contaminé ; fait inquiétant mais pas surprenant

Si les faits interpellent de par la complexité de la mission réussie par les commandos français, et la présence aux mains des ravisseurs de deux autres otages dont les pays respectifs ignorent l’enlèvement ; le fait le plus marquant et le plus inquiétant, même s’il n’est pas surprenant, reste l’extension de l’activité terroriste au Nord-ouest du Benin, un pays qui, jusqu’à un passé proche, échappait à la nébuleuse terroriste. L’avancée inquiétante du terrorisme sahélien vers la côte atlantique se confirme et, avec elle, la tendance du phénomène à progresser selon un axe Nord/Sud qui l’a conduit du Nord du Mali, au début du siècle, aux confins de l’océan, moins de vingt ans plus tard.

Le fait n’est pas surprenant, parce que déjà en octobre 2018, les ministres togolais, ghanéen, burkinabé et béninois, sentant la menace, s’étaient réunis pour étudier la question de la lutte contre un terrorisme se dirigeant depuis son foyer sahélien vers leurs pays. L’initiative, qui fut louée en son temps parce que destinée à anticiper une menace avérée, resta cependant de portée limitée puisqu’elle ne donnait lieu à aucune action concrète perceptible sur le terrain.

Les français engagés dans la région, et disposant d’information et d’analyses fiables, n’ont pas manqué, plusieurs mois avant l’enlèvement des deux touristes, de signaler la bande frontalière entre le Burkina et le Bénin comme déconseillée, sauf motif impératif. C’est dire à quel point la propagation au Bénin des actions des groupes armés n’est pas une surprise. D’ailleurs, si la France avait, en 2013, réagi pour empêcher une extension de la mouvance terroriste vers le Sud du Mali, c’est qu’elle était convaincue qu’une fois la progression du phénomène entamée, il serait difficile de la stopper, la contenir ou la confiner. Une vision confirmée dans les faits, puisque Serval ne réussit qu’à geler momentanément le fléau qui, dès 2014, reprend son avancée et fait tache d’huile, en se répandant au Niger et au Burkina, avant de menacer de manière sérieuse, le Bénin, le Ghana, le Togo, la Côte d’ivoire, voire même le Sénégal.

Le Burkina : un dernier verrou qui ne doit pas sauter

En atteignant le Burkina Faso, la violence extrémiste entame la dernière ligne droite avant les côtes atlantiques de l’Afrique de l’Ouest. Le phénomène, déjà implanté et bien présent en Méditerranée (Libye) et sur les côtes de la Mer Rouge (Somalie), verrait sa capacité de nuisance encore plus renforcée s’il parvient à se frayer un chemin vers l’Atlantique.

Les projets de maritimisation de l’économie africaine, notamment sur les côtes atlantiques, passent par un environnement politique et social sécurisé, stable et pacifié et, par conséquent, protégé contre les menées de la violence terroriste. De plus, la littoralisation du peuplement dans la région appelle un effort de gestion qui ne peut être déployé s’il est harcelé, sapé et usé par les actions subversives et déstabilisatrices du terrorisme.

Or, au rythme où évolue la situation sécuritaire de la région, tout pousse à croire qu’à défaut de réaction urgente, coordonnée et déterminée de la part des Africains et de la communauté internationale, la côte afro-atlantique ne tarderait pas à tomber sous le joug de la violence extrémiste.

Le Burkina constitue le verrou qui ne doit pas sauter, au risque de voir la porte grande ouverte aux groupes terroristes vers les pays côtiers de l’Atlantique. Ce verrou est aujourd’hui malmené et risque de céder complètement ; le pays fera, alors, office de pont entre les foyers actuels du Sahel et l’Océan atlantique. Le pays partage, en effet, plus de 1500 km avec quatre Etats de la côte atlantique Ouest-africaine. Ces frontières doivent constituer une sorte de ligne rouge qui, une fois dépassée, la déstabilisation de l’Afrique de l’Ouest deviendrait quasiment irréversible.

Dans un Policy Brief, publié en février 2016,  sous le titre : « De la Méditerranée à l’Atlantique : le couloir de vulnérabilité face au terrorisme », j’avais signalé la menace que constituerait une jonction entre le terrorisme en méditerranée (Libye) et celui qui sévit au Nigéria (Atlantique), jonction qui pourrait se concrétiser à  travers le Niger. Il s’ajoute, aujourd’hui, un autre canal de liaison qui met en péril un plus grand nombre de pays. Le Burkina en est le passage obligé. Si le pays est abandonné à son sort, et si les ripostes africaines et internationales n’évoluent pas pour gagner rapidement en intensité et en coordination ; il serait, bientôt, malheureusement, tard pour sauver la région Ouest-africaine de la déstabilisation.

L’enlèvement de touristes au Benin est le signal faible qu’il ne faut pas négliger. Cet évènement rappelle la situation au Nord du Mali à la fin des années 90, où le pays ne connaissait que quelques rapts sporadiques, avant de devenir, plus tard, le pont par lequel le terrorisme a infesté tout le Sahel.

 

RELATED CONTENT

  • Authors
    January 30, 2024
    الحرب بطبيعتها ليست عملية حسابية. فمن حيث الاستراتيجية العسكرية، لا تعتبر عملية الجمع دائما إضافة، ولا عملية الطرح تنقيصا. فعملية الضرب لا ُتضخِّم كما أن القسمة لا ُتقلل. وإذا كانت الوسائل هي بالتأكيد ميزة في الحرب، فإن نتيجة الصراعات (النصر أو الهزيمة) لا تعتمد فقط على هذه الوسائل، ذلك ان الحرب تكشف عن صمود المجتمع وليس عن قوة الجيش فقط. فالحرب ُتظهر ارتباط القوة العسكرية بصلابة الجبهة الداخلية المرتبطة بدورها إلى حد كبير بالتماسك الاجتماعي. و ليس لهذا الأخير وحدة قياس، ف ...
  • Authors
    January 5, 2024
    La guerre n’est, par sa nature, pas arithmétique. En matière de stratégie militaire, ni l’addition est toujours un ajout ni la soustraction une diminution. La multiplication n’amplifie pas comme la division ne réduit pas. Les moyens sont certes un avantage dans la guerre, mais l’issue des conflits (victoire ou défaite) n’en dépendent pas exclusivement. La guerre révèle la résilience d’une société et pas seulement la puissance d’une armée. Mieux, elle montre la dépendance de la puiss ...
  • Authors
    November 24, 2023
    في 6 أكتوبر 1973 تلقت السلطات الإسرائيلية تحذيرات عن احتمال اندلاع حرب على حدودها مع الدول العربية. هذا التحذير أكد المعلومات التي تم استلامها قبل بضعة أيام، ولكن أصحاب القرار السياسي والاستخبارات في اسرائيل لم يأخذوا الأمر على محمل الجد. حيث تعرضت إسرائيل لهجوم مفاجئ وعرف جيشها حالة من الهلع. وكانت الكارثة. خمسون عاما بعد ذلك، تقريبًا في نفس اليوم، فوجئت إسرائيل بهجوم جديد. في صباح 7 أكتوبر 2023، عبر مئات الرجال مسلحين الحاجز بين إسرائيل وقطاع غزة، انتشروا في أكثر من 20 مكانًا، قت ...
  • Authors
    November 17, 2023
    On October 6, 1973, the Israeli authorities were warned of the imminent outbreak of war on their borders with the Arab states. This warning confirmed information received a few days previously, which Israeli political decision-makers and iintelligence services had not taken seriously. Israel was taken by surprise and its army panicked. It was a debacle. Fifty years later, almost to the day, Israel was once again taken by surprise. On the morning of October 7, 2023, hundreds of armed ...
  • November 14, 2023
    شنت حركة حماس في قطاع غزة، هجوما غير مسبوق على إسرائيل في 7 أكتوبر الماضي، حيث نفذ الجيش الإسرائيلي غارات جوية ومدفعية بعد الهجوم المفاجئ الذي أدى الى مقتل الاَف من المدنيين داخل القطاع   الصراع الفلسطيني الإسرائيلي مستمر منذ عقود، لكن ما هي القضايا التي تديم جذوته مشتعلة حتى الان؟ كيف...
  • Authors
    November 9, 2023
    Le 6 octobre 1973, les autorités israéliennes ont été averties de l’éclatement imminent d’une guerre à leurs frontières avec les États arabes. Cet avertissement confirmait les informations reçues quelques jours auparavant, mais que les décideurs politiques et le Renseignement israéliens n’avaient pas pris au sérieux. Israël est pris par surprise et son armée est en panique. C’est la débâcle. Cinquante ans plus tard, quasiment jour pour jour, l’État hébreux est enco ...
  • Authors
    General Rapporteur
    October 2, 2023
    La septième édition de la Conférence africaine sur la paix et la sécurité (APSACO) s’est déroulée sur deux journées enrichissantes, les 10 et 11 juillet 2023. La conférence, organisée par le Policy Center for the New South, a rassemblé une pléiade d’experts du monde entier, représentant divers secteurs d’activité, sur le thème “Reconstruction post-conflit en Afrique”. Elle s’articulait autour de 6 panels ainsi que d’une discussion autour du Rapport annuel sur la géop ...
  • Authors
    General Rapporteur
    October 2, 2023
    The Policy Center for the New South organized the 7th African Peace and Security Annual Conference (APSACO) on July 10-11, 2023, under the theme ‘Post-Conflict Reconstruction in Africa’. This annual conference provides a platform for the analysis of Africa’s peace and security structures and institutions, focusing on the continent’s assets, history, and its ability to overcome current and emerging challenges and gain global competitive advantage. The debate on post-conflict reconst ...
  • Authors
    Sous la direction de
    Abu Bakarr Bah
    Alioune Ndiaye
    Babacar Ndiaye
    Benjamin Traoré
    Bodo Andrianarisoa
    Dorcy Rugamba
    Gilles Yabi
    Hamza Mjahed
    Hind Zaamoun
    Mathieu Bere
    Mahamadou Simpara
    Mohamed Ahmed Gain
    Norman Sempijja
    Patrice Kouraogo
    Rania Barrak
    Silindile Mlilo
    Hala Boumaiz
    Soazic Elise Wang Sonne
    Tarek Cherkaoui
    Youssef Errami
    Yousra Hamdaoui
    September 8, 2023
    Cette 6ème édition du rapport géopolitique de l’Afrique s’inscrit dans la même ligne éditoriale que ses précédentes. Elle se veut une plateforme où des auteurs et analystes africains racontent l’Afrique géopolitique de 2022 en débordant parfois sur les événements saillants du début de 2023. Ce moment, d’environ une année et demie, ne peut échapper à la guerre en Ukraine comme toile de fond du monde. Même lorsque les auteurs ne s’y réfèrent pas explicitement, cett ...