Publications /
Opinion

Back
L’européanisation de la présence française au Sahel : Emmanuel Macron veut capitaliser sur le Sommet de Pau
Authors
July 10, 2020

Six mois après la remise en question de la présence française au Sahel et l’engagement pris pour accélérer les efforts de lutte contre le terrorisme dans la région, la France, principale puissance impliquée dans la région, rencontre ses partenaires africains pour un point d’étape et lance un message fort à la communauté internationale : là où la France s’engagera, l’Europe s’engagera aussi.

Le Président Emmanuel Macron a relevé la montée en gamme des armées locales et les récents développements positifs enregistrés dans la région, marquée notamment par des victoires dans la zone des trois frontières et couronnée par l’exécution par l’armée française avec l’aide de partenaires locaux d’Abdelmalek Droukdel, chef d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Mais au-delà des réjouissances, le Sahel demeure encore en proie à de grandes difficultés et à la menace terroriste, l’instabilité politique et l’incertitude lié à la pandémie du COVID-19 fragilise des populations déjà précaires. Au niveau des Etats, l’équation est aussi complexe : Du côté de la France, on veut « européaniser » la présence au Sahel avec la force Takuba, mais aussi renforcer l’implication des armées locales. La place de l’approche sécuritaire est grande mais les Etats qui font face à une perte croissante de légitimité se doivent d’être renforcés, d’où la nécessité dans l’intervention européenne de l’inclusion d’une approche de développement local.

La nécessité du renforcement de l’approche de développement chez l’Union Européenne

Les pays de la région appellent souvent à la nécessité de considérer la prospérité économique comme un pilier de la stabilisation de la région. Parmi les Européens, on appelle aussi à un effort économique "nous sommes convaincus que nous ne résoudrons pas le problème militairement", déclarait le ministre tchèque des Affaires étrangères Tomas Petricek. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lui avait demandé un « plan Marshall pour l’Afrique ». Alors, à l’heure où l’Europe s’engage au côté de la France, pourquoi n’est faite aucune mention à l’impératif de développement des Etats du Sahel ? Bien que la réunion de Nouakchott est un point d’étape pour parler des efforts de contre-terrorisme mené par la France et ces alliés du Sahel, il est regrettable de voir que le lexique demeure exclusivement sécuritaire là où un accent particulier doit être mis sur les causes profondes du terrorisme, qui sont enracinés non dans l’ethnie, la tribu où la religion mais plutôt dans la précarité, l’exclusion et l’absence de perspectives socio-économique positives.

 La force Takuba (sabre en français) est comme son nom l’indique uniquement développée dans un but militaire, et on peine encore à voir quels efforts seront déployés pour renforcer la légitimité des Etats fragilisés non seulement par la menace terroriste mais aussi par la faiblesse de leurs économies et de leurs institutions. Par exemple, La transformation de l’agriculture et la création d’une classe moyenne agricole dans ces pays est un levier. Passer d’une agriculture de subsistance à une agriculture génératrice de revenus permettrait de réduire drastiquement les appétits de violence et d’exode d’une grande partie des populations sahéliennes. Deuxièmement, la mise en place de programme pour l’émergence de cette jeunesse sahélienne abondante est impératif tant dans les secteurs de l’économie mais aussi de la décision. Il faut permettre à cette partie de la population de s’impliquer dans les institutions nationales peu importe leur appartenance ethniques ou sociales.

A l’heure où Emmanuel Macron appelle à une plus grande implication des membres de l’Union Européenne dans la zone, il est nécessaire de pouvoir aborder ces questions fondamentales pour l’avenir de la région. Le nexus Sécurité/développement est une approche viable et à long terme pour bâtir un agenda pérenne pour les Etats du Sahel, aborder la question du terrorisme uniquement sous un angle tactique et militaire élude la place de l’exclusion, de la précarité sociale et de la faiblesse des institutions comme facteurs explicatifs de la montée de l’extrémisme dans la région.

Toutefois, cette implication des membres de l’UE au Sahel pourrait encore attendre, car la plupart d’entre eux voit se profiler d’intenses agendas de politique interne largement imprégnés par la gestion de la crise sanitaire et des conséquences économiques de cette dernière.

RELATED CONTENT

  • February 9, 2022
    In a country as stable as Germany, changes of Chancellor are a rarity. Angela Merkel stayed in power for sixteen years, as did Helmut Kohl in his time. The new three-party coalition (Social Democrats, Greens, Liberals) intends to shake up the country. How should Africa approach this new leadership? Can the new government bring momentum to Euro-African relations? Can Berlin bring about a clear understanding of Africa’s development issues and geopolitical subtleties? ...
  • Authors
    February 3, 2022
    His message was one of reassurance, just as a great leader has to react in a crisis. The concerns about Covid 19 was nothing but “a frenzy and psychosis”. The President knew the secret to defeat the virus: vodka, sauna, tractor. Didn’t a US president named Donald Trump suggest  that toilet cleaning disinfectants chase the virus out of infected lungs on national television? (New York Times, April 24, 2020) That was Trump-speak, sure, but the man who uttered the tractor/vodka/nonsense ...
  • Authors
    January 6, 2022
    Le président français Emmanuel Macron a de grandes ambitions pour l'Union européenne. Sa doctrine est d'approfondir l'intégration politique de l'Union. Donner à l'Europe l'esprit et les moyens pour faire face aux bouleversements écologiques, sécuritaires, énergétiques et technologiques qui menacent la place de l'Union dans un monde en profondes ruptures. La présidence française du Conseil de l'Union européenne pour le premier semestre 2022 est pleine de défis, mais c'est l'occasion ...
  • December 27, 2021
    Dans un pays aussi stable que l’Allemagne, les changements de Chancelier sont rares. Angela Merkel est restée seize ans au pouvoir, tout comme en son temps Helmut Kohl. La nouvelle coalition à trois partis (sociaux-démocrates, verts, libéraux) entend faire bouger le pays. Comment l’Afrique doit-elle aborder le nouveau pouvoir ? Celui-ci peut-il insuffler de la dynamique aux relations euro-africaines ? Peut-on attendre de Berlin une appréhension fine des enjeux de développement et de ...
  • Authors
    December 8, 2021
    The Polish memory of oppression, occupation, the holocaust, Nazi occupation, and communist dictators is burned into the national soul and conscience. A Polish born Pope, Jean Paul II, supported the long national struggle for freedom, giving faith to Poland’s 38 million citizens, mainly Catholic. Freedom turned into a national treasure. Membership of the European Union, achieved in May 2004, promised a path towards social justice, wealth, and global acceptance of their abused homela ...
  • Authors
    Patricia Ahanda
    December 7, 2021
    Le 28ème Sommet Afrique-France, tenu à Montpellier le 8 octobre 2021, s’inscrit dans une lignée d’actions promues par le président français Emmanuel Macron pour renforcer la coopération entre la France et l’Afrique. Ces initiatives interviennent dans un contexte national (France) marqué par la recrudescence du thème de l’immigration africaine et international où l’Afrique est le terrain d’une nouvelle compétition géopolitique, avec la présence de puissances telles que la Russie et l ...
  • November 30, 2021
    When assuming office in 2019, Ursula von der Leyen vowed to be the leader of a “geopolitical commission”, hence apparently marking a turn in the way the European Union (EU) was presenting itself to the rest of the world. Indeed, putting geopolitics at the center of the European Commissi...