Publications /
Opinion

Back
Prix du pétrole : pour les producteurs, le plus dur est-il passé ?
Authors
May 12, 2020

Les 20 et 21 avril 2020, sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), les prix du West Texas Intermediate (WTI) pour le contrat de mai 2020 sont tombés largement en dessous de zéro.

Ces prix négatifs – un concept quelque peu difficile à appréhender – ont montré, de façon spectaculaire, à quel point la pandémie du Covid-19 a un impact considérable sur le marché pétrolier mondial. Il convient, cependant, de relativiser ces prix négatifs qui portaient sur une qualité de pétrole (le WTI) coté sur le Nymex, sur un contrat (celui de mai 2020), pendant deux jours au plus, et ce juste avant l’expiration du contrat en question (la date d’expiration était le 21 avril). En bref, rien de représentatif par rapport à l’ensemble des cours du pétrole aux Etats-Unis et dans le monde à cette période. Cela dit, au-delà de ces cotations sans précédent (depuis le début de la cotation du WTI sur le Nymex, les prix n’avaient jamais été négatifs), la chute des prix du pétrole depuis le début de l’année est vertigineuse. Pour le Brent de la mer du Nord, elle a été de l’ordre de 70%, entre janvier et le creux du mois d’avril.

Crise sanitaire, crise économique, crise pétrolière

L’effondrement des prix du brut est la conséquence d’une crise économique majeure, elle-même provoquée par une crise sanitaire de première ampleur. Les incertitudes sont, donc, beaucoup plus importantes que lors des phases précédentes de forte baisse des prix, car ces crises, sanitaire et économique, sont loin d’être terminées. Pourtant, nous avons quelques raisons de penser que, sur le plan pétrolier, le pire est peut-être derrière nous. Rien n’est sûr à ce stade, mais il y a trois bonnes raisons pour que les producteurs de pétrole (Etats et compagnies) puissent ressentir un certain optimisme.

La première raison est que nous sommes au mois de mai et que mai n’est pas avril… Toutes les informations et projections dont nous disposons laissent penser que c’est en avril 2020 que la chute de la consommation pétrolière mondiale sera la plus forte au cours de cette année noire 2020. Elle pourrait être comprise entre 20 et 30 millions de barils par jour (Mb/j) le mois dernier, soit 20 à 30% de la consommation mondiale en 2019 (environ 100 Mb/j). Des Organisations, telles que l’Agence internationale de l’Energie (AIE), l’Organisation des Pays exportateurs de Pétrole (OPEP) et l’U.S. Energy Information Administration (EIA) estiment que la consommation mondiale pourrait baisser de 12 à 24 Mb/j au second trimestre. Mai et juin resteront des mois très difficiles pour les producteurs, mais un peu moins qu’avril. Et le second semestre devrait être marqué par une reprise économique et une hausse de la demande pétrolière, dont l’ampleur et la rapidité sont encore à déterminer. La levée ou l’assouplissement des confinements, qui ont touché plus de la moitié de la population mondiale dans les dernières semaines, ne peuvent que pousser le monde à consommer plus de pétrole dans les mois qui viennent.

Les pays producteurs contre-attaquent

La seconde raison est que 20 pays producteurs de pétrole ont commencé à réduire leur production à partir du 1er mai. Ces 20 pays incluent 10 membres de l’OPEP sur 13 (les exceptions étant l’Iran, la Libye et le Venezuela) et 10 pays non-OPEP dont la Russie. Sur mai et juin, ces réductions devraient être de 9,7 Mb/j, soit près de 10% de la production pétrolière mondiale, dont 5 Mb/j pour la Russie et l’Arabie Saoudite (2,5 Mb/j chacune). Jamais dans son histoire, l’OPEP, qui est née en 1960, n’avait décidé de telles réductions. Au cours du second semestre 2020, ces réductions seraient de 7,7 Mb/j et ce chiffre passerait à 5,8 Mb/j entre le 1er janvier 2021 et le 30 avril 2022. L’effet combiné de ces coupes et du redémarrage de l’économie mondiale devrait conduire à une hausse des prix au second semestre. Il reste, évidemment, à voir quel sera le degré d’application de cet accord OPEP/non-OPEP (ce que l’on appelle souvent l’OPEP+), mais il ne fait pas de doute que la production mondiale va baisser de façon significative dans les prochaines semaines.

Les Etats-Unis vont contribuer – involontairement – au rééquilibrage du marché

La troisième raison est que d’autres pays que ceux de l’OPEP+ verront leur production baisser en 2020, à commencer par le plus important producteur mondial de pétrole, les Etats-Unis. Il n’y a pas et il n’y aura probablement pas de décision politique en ce sens, ni au niveau de l’Etat fédéral ni à celui du Texas (principal Etat producteur de pétrole aux Etats-Unis). Mais, face à des prix du brut très bas, les compagnies pétrolières américaines ont commencé à réduire leurs investissements et leurs activités de forage et à fermer des puits pour cause de non-rentabilité. Ces réactions très logiques de l’industrie ont déjà commencé à faire baisser la production pétrolière de ce pays, qui joue un rôle clé sur l’échiquier pétrolier mondial. Selon les projections de l’EIA remontant au début avril, la production de brut du pays passerait de 12,8 Mb/j, au quatrième trimestre 2019, à 11 Mb/j, au quatrième trimestre 2020.

Plus de consommation pétrolière dans les prochains mois et moins de production : le rééquilibrage du marché mondial est en marche. Mais, la route reste risquée du fait, notamment, de possibles re-confinements dans un proche avenir et de l’abondance (voire de la surabondance) des stocks pétroliers à travers le monde. Ce sont là deux épées de Damoclès au-dessus de la tête des producteurs.

RELATED CONTENT

  • Authors
    January 24, 2022
    In January 2022, two UK-based oil companies, Chariot Limited and Predator Oil & Gas Holdings PLC, made positive announcements on two gas fields in Morocco. These natural gas discoveries generated considerable attention. This is often not surprising for a number of reasons: a hydrocarbon discovery (oil and natural gas) is an important event in itself given the prominence of hydrocarbons in global energy (oil and natural gas together account for around 60% of global energy consump ...
  • Authors
    January 24, 2022
    في يناير/كانون الثاني 2022، أعلنت شركتا التنقيب عن النفط والغاز، شاريوت ليمتد وبريداتور أويل آند غاز هولدينغ، المستقرتان معا في المملكة المغربية، أخبارا سارة حول رخصتين من رخصهما في البلاد. وقد أفاضت اكتشافات الغاز الطبيعي المذكورة الكثير من المداد. غير أن هذا الأمر ليس بالمفاجئ عموما، وذلك لعدة أسباب. حيث يعتبر اكتشاف الهيدروكاربونات (النفط أو الغاز الطبيعي) حدثا مهما في حد ذاته بالنظر إلى مكانة الهيدروكاربونات على الساحة الطاقية (يمثل النفط والغاز الطبيعي مجتمعين أقل من 60 في الما ...
  • Authors
    January 24, 2022
    En janvier 2022, deux sociétés pétrolières, Chariot Limited et Predator Oil & Gas Holdings PLC, toutes les deux basées au Royaume-Uni, ont annoncé de bonnes nouvelles sur deux permis au Maroc. Ces découvertes de gaz naturel ont fait couler beaucoup d’encre. De façon générale, ce n’est d’ailleurs pas très étonnant, et ce pour plusieurs raisons : une découverte d’hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) est un événement important en soi au regard de la place des hydrocarbures sur la ...
  • Authors
    January 21, 2022
    La forte progression des cours des matières premières en 2021 ne peut occulter qu’elle s’est inscrite dans un contexte sanitaire, mais également économique et géopolitique, particulièrement instable. Si des évolutions structurelles fortes sont bien à l’œuvre – transition environnementale et numérique, essor démographique et mutation des habitudes alimentaires, mais aussi affirmation de la Chine sur les chaînes de valeur internationales, renforcement de la transformation locale dans ...
  • Authors
    January 4, 2022
    A la fin avril 2021, Total (aujourd’hui TotalEnergies) annonçait le retrait de son personnel du site d’Afungi, dans le nord-est du Mozambique, et déclarait la force majeure pour le projet gazier Mozambique LNG. Ce projet, qui devrait normalement être opérationnel en 2024, porte sur la production et l’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) à partir de très importantes ressources de gaz naturel découvertes dans le bassin de Rovuma (Zone offshore 1) en mer. Ce retrait temporaire du ...
  • Authors
    December 24, 2021
    En dépit de toutes les critiques contre les énergies fossiles au niveau international, plusieurs projets pétroliers et gaziers continuent à être lancés et à progresser en vue de prochaines mises en production. L’Afrique ne fait pas exception à la règle, bien au contraire. Des projets pétroliers importants sont ainsi en cours de développement dans plusieurs pays du continent et, pour au moins trois d’entre eux, le compte à rebours est bien engagé. Nous évoquerons dans cette Opinion l ...
  • Authors
    December 13, 2021
    Dans le vaste univers des matières premières, il est commun de parler des « métaux de base » pour qualifier les « grands » métaux non ferreux que sont l’aluminium, le cuivre, l’étain, le nickel, le plomb et le zinc. L’homogénéité de ce groupe est, bien évidemment, toute relative et la dynamique des cours qu’ils ont suivi, chacun, depuis le printemps 2021 ne peut manquer de le rappeler. En effet, alors qu’ils avaient tous lourdement chuté au premier trimestre 2020, après le déclenche ...
  • Authors
    December 10, 2021
    Addressing the increasing demands for water, energy, and food requires a coherent methodology to ensure that  societies have access to them and that conflict over them is avoided. For example, agriculture and food production  require water and energy; energy production also requires water and, in some instances, agricultural products.  Water distribution and treatment can be very energy intensive. Therefore, the benefits of approaching the Water- Energy-Food (WEF) nexus in an integr ...
  • November 19, 2021
    This Podcast is based on a Policy Brief by Rim Berahab and Uri Dadush. It examines how Morocco progresses on the mitigation component of its Nationally Determined Contribution (NDC) targe ...