Publications /
Opinion

Back
S’adapter à une menace changeante, l’Europe face à sa sécurité
Authors
Sabine Cessou
September 24, 2018

La conférence « A Brave New World, Adapting to a changing security landscape », organisée par Friends of Europe, le 20 septembre 2018 à Bruxelles, a consisté en des tables rondes auxquelles ont participé Bouchra Rahmouni Benhida, Senior Research Fellow d'OCP Policy Center et Amal El Ouassif, Research Assistant, notamment sur les plus grands défis de la politique extérieure européenne. « C’était très gratifiant de voir distribuées, aujourd’hui, les conclusions sur la migration d’un brainstorming global auquel j’ai participé en juillet dernier», a souligné Bouchra Rahmouni Benhida. 

En introduction aux plénières, Julian King, Commissaire européen à l'Union pour la sécurité, a évoqué les menaces auxquelles font face les Etats européens, telles que le cyber-terrorisme.
 « Des gens essaient de nous faire mal, de mettre en question nos modes de vie, nos valeurs et la façon dont nos communautés vivent ensemble », a-t-il affirmé. Le Brexit ne doit pas changer la coopération sur ce point, d'autant qu'un glissement est en cours sur les capacités de réponse : « Il faut de plus en plus clairement une volonté politique de déployer des forces », selon Julian King. 

S'interrogeant sur l'apparition d'un nouveau paradigme, un expert français a posé une question sur le fait que « le président Emmanuel Macron propose une force européenne hors OTAN et UE, mais avec la Grande-Bretagne, pour intervenir dans sa zone d'influence ». « Vous tirez une conclusion à partir d'un seul aspect, a répondu Julian King. La sécurité reste plus vaste et elle est gérée collectivement, comme le terrorisme. Cela étant, l'idée d'une réponse européenne en termes de déploiement militaire commun est en train d'avancer ». 

L'industrie européenne de la défense n'existe pas mais reste très fragmentée le long de lignes nationales, selon Lowri Evans, directrice générale de la Commission européenne pour le Marché intérieur, l'industrie, l'entrepreneuriat et les PME. « Si nous développons des systèmes nationaux qui ne se parlent pas, rien ne fonctionnera. La volonté politique existe d'une approche plus collective, et l'UE facilite la coopération, mais c'est tout. Ne pas réformer notre approche serait complètement irresponsable, compte tenu de l'évolution de la menace globale ». 

Nouvelles capacités face à de nouvelles menaces 

L'intelligence artificielle et la robotique changent le champ militaire, mais des questions se posent sur les capacités de contrôle humain dans la guerre moderne. Faut-il un code de conduite ou un accord international sur l'intelligence artificielle, similaire à ceux qui ont été adoptés sur les armes nucléaires et chimiques ? 

« Au cours des 10 dernières années, nous avons beaucoup parlé de partage d'informations sur la cyber-sécurité, mais finalement le plus efficace a été de nous asseoir à une table pour parler de la menace, des fake news par exemple, des hold-ups électroniques pratiqués auprès des banques, etc, a répondu Edvinas Kerza, vice-ministre lithuanien de la Défense. Nous avons neuf pays (France, Allemagne, Pays-Bas, Finlande, Pologne, Estonie, Lithuanie, Roumanie, Slovénie) qui se parlent pour partager non plus des informations mais des compétences et du personnel, ce qui n'implique pas des moyens énormes et peut concerner les petits pays ». 

Frank Sauer, chercheur à l'Université de Munich, a plaidé pour le contrôle des armes, de même que Mary Wareham, coordinatrice de la campagne Stop Killer Robots. Il n'est pas question d'interdire l'intelligence artificielle, a-t-elle dit, mais « l’absence de contrôle humain sur l'identification des cibles et l'usage de la force à leur encontre ». La France a mis le sujet sur la table en 2013 à Genève, et 26 pays se sont ensuite embarqués dans la discussion – dont deux d’Europe seulement - pour empêcher l’extension de cet armement dénué de contrôle humain. 

Un nouveau départ pour une vieille alliance 

Il n’a été que peu question de l’unité de l’Otan, mise à l’épreuve par le président américain Donald Trump, qui préfère les arrangements bilatéraux à des opérations de l’Alliance transatlantique. 

José Alberto de Azeredo Lopes, le ministre de la Défense du Portugal a insisté sur la nécessité d’une nouvelle doctrine de l’Otan. « On parle souvent de vin nouveau dans de vieilles bouteilles. A l’Otan, on doit éviter de parler de vieux vin dans une vieille bouteille ! Pas de retour chariot dans les citations L’Otan avait pour thème obsessionnel son organisation, et l’institution se porte mieux aujourd’hui. L’Otan résulte de la volonté de ses Etats membres, qui doivent être plus unis sur les défis, de manière à ce que l’Otan serve à tous les membres et non à certains ». 

« On se prépare à la paix, a renchéri Frank Bakke-Jensen, ministre de la Défense de la Norvège. Je vis à 2000 km au Nord de Bruxelles, ce qui me mènerait à Marrakech si je partais vers le Sud. Je reste près du cœur de l’Europe, pour conserver ses valeurs et son état d’esprit de paix. Certes, les activités militaires russes nous inquiètent, de même que les tentatives de réduire la stabilité, mais nous œuvrons à la paix ». 

L’Otan ne choisit pas ses défis, liés aux nouvelles technologies, a rappelé Benedetta Berti, chef de la planification politique auprès du Secrétaire général de l’Otan. « Un éventail plus large de menaces existe néanmoins avec la crise de l’Etat, de la gouvernance, l’instabilité et la fragilité dans notre voisinage. L’aspect militaire n’est pas le seul dans le contre-terrorisme : l’économie, le développement, l’humanitaire sont aussi importants, et ce sont d’autres institutions qui s’en occupent. Nous travaillons de plus en plus avec des acteurs locaux pour entraîner des forces comme en Afghanistan, ou avec nos partenaires dans la région MENA, du Maroc à l’Egypte en passant par la Tunisie, importants car ils ont une meilleure compréhension des réalités locales ». 

Au final, Bouchra Rahmouni Benhida, Senior Fellow d’OCP Policy Center, a estimé les « débats ouverts, instructifs et assez provocateurs pour stimuler des idées nouvelles au sujet du contexte sécuritaire ». 

RELATED CONTENT

  • Authors
    Tobias Borck
    May 17, 2017
    Europe and North Africa are bound in a strategic relationship. The stability, security and prosperity of both regions are inextricably linked. European countries - both individually and collectively (inside and outside the framework of the European Union) - have to develop a more strategic approach to their southern neighbourhood in order to overcome the current migration crisis, work with the North African states to counter violent extremism, and make the most of the many economic ...
  • Authors
    Laurence Nardon
    January 17, 2017
    Tout comme la plupart des industries « traditionnelles », l’industrie spatiale est depuis plusieurs années confrontée aux défis du numérique. L’industrie spatiale européenne fait ainsi face à de nouveaux acteurs venus du numérique, principalement américains, start-ups ou géant de la Silicon Valley tels que les GAFA1. Ces derniers utilisent de nouvelles méthodes telles que le recours accru aux financements privés, des cycles de décision et de production plus rapides, un rééquilibrage ...
  • December 19, 2016
    En un tiers de siècle, la Chine, pays en développement, est devenue une économie émergente, puis une puissance économique mondiale. Il s’agit là du principal évènement économique du début du XXIe siècle. Cet évènement interpelle le Maroc, le Maghreb, l’Afrique et l’espace sudméditerranéen, parce qu’il est porteur d’un second dépassement historique, provenant, cette fois, non pas de l’Occident, mais de la Chine lointaine pourtant tellement présente dans notre quotidien. Répondre à c ...
  • Authors
    June 23, 2016
    En l’automne 2015 la Russie décide d’intervenir en Syrie. Elle joint le geste à la parole, et arrive à remettre sur pied un régime qui fut chancelant après Quatre années de guerre civile. Cette intervention est alors vue par moult observateurs comme une action dictée par les relations historiques entre le régime des Bechar et l’ancienne URSS. Ce point de vue conforte l’opinion qui veut que la Russie ne soit qu’une version actuelle de l’ancienne URSS. Elle a hérité de sa place au Co ...
  • Authors
    Silvia Colombo
    Mohamed El Harrak
    Nicolò Sartori
    May 27, 2016
    Energy is at the core of the remarkable current transitions in the global economy and geopolitics, and natural gas plays a crucial role in these processes. In this context of rapidly evolving trends at the market level and developing dynamics between regional and global actors, The Future of Natural Gas aims at analysing the role of natural gas in the future energy mix by considering several key factors: the ambitious climate policies agreed by the international community, cost issu ...
  • April 15, 2016
    Guntram B. Wolff Director, Bruegel on Brexit, Refugee Crisis and the Role of Think Tanks was interviewed in the context of the international conference: “Seven Years after the Crisis: Intersecting Perspectives” April 01, 2016, OCP Policy Center, Rabat ...
  • Authors
    Youssef Amrani
    Guillaume Lasconjarias
    Jean-Loup Samaan
    April 6, 2016
    Lors du Sommet de Lisbonne des 19 et 20 novembre 2010, l’Alliance atlantique a adopté son troisième concept stratégique post-bipolaire qui consacre le processus de transformation structurelle et fonctionnelle. La projection de puissance et la stabilisation des théâtres extérieurs sont les nouvelles missions qui viennent s’ajouter à la mission classique de la défense mutuelle. Dès lors, l’OTAN passe du rôle d’alliance défensive régionale à celui d’acteur international de sécurité et ...