Publications /
Opinion

Back
La ZLECAF : un engagement en faveur du commerce et d’une transformation structurelle inclusive
February 1, 2021

L’entrée en vigueur de l’accord instituant la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) s’inscrit dans la continuité des aspirations anciennes pour intégrer les marchés africains et faire de cette intégration un vecteur de prospérité et de développement. Il s’agit, en effet, d’une étape dont la traversée est inévitable en vue d’aboutir aux aspirations annoncées par l’Agenda 2063. C’est une étape qui concrétise, dans sa première phase, un engagement en faveur de la libre circulation des personnes, des marchandises et des services. La deuxième phase des négociations visera la promotion de la libre circulation des capitaux, le renforcement de la compétitivité et de la diffusion de l’innovation. C’est une étape qui aspire, par ailleurs, à la consolidation des bases du renforcement de l’intégration économique, de la promotion du développement agricole, de la sécurité alimentaire, de l’industrialisation et de la transformation structurelle économique, autres aspirations énoncées par l’Agenda 2063.

 

Une étape importante sur le chemin de l’intégration en Afrique

 

Une étape importante sur le chemin de l’intégration en Afrique

Source : Nations Unies. Commission Economique pour l’Afrique ; 2017 [https://repository.uneca.org/handle/10855/24090]

Note : ZLEC fait référence à ZLECAF

 

L’adoption de l’accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine se présente ainsi comme un deuxième pas sur le chemin du rêve panafricain d’une communauté économique continentale, le premier étant la création des Communautés économiques régionales (CER). La priorité des deux est d’élargir l’espace et les opportunités économiques en vue d’un développement social au bénéfice des populations africaines. Cette ambition est suscitée par plusieurs raisons, y compris la taille du marché (plus d’un milliard d’habitants et plus de deux milliards à l’horizon 2050, avec une classe moyenne en expansion et une urbanisation continue), les potentielles économies d'échelle et gains de compétitivité, les possibilités de création de chaînes de valeur régionales et continentales, grâce à des coûts réduits [de production et de revient], ainsi que la diversification et l’industrialisation des marchés d’exportation intra-africains, comparativement aux marchés extérieurs (en 2019, les articles manufacturés représentaient 16,2% des exportations intra-africaines, contre 10% des exportations de l’Afrique vers l’extérieur [CNUCED]).

Or, les ambitions suscitées et les aspirations énoncées ne peuvent se matérialiser sans une vraie transformation structurelle –inclusive- des économies africaines. Celle-ci est importante afin de créer des complémentarités et stimuler davantage le commerce intra-africain.

 

Part des exportations intracommunautaires des marchandises dans les exportations totales (%)

Part des exportations intracommunautaires des marchandises dans les exportations totales (%)

Source : Calcul de l’auteur sur la base des données de la CNUCED

 

Indice d'intégration régionale de l'Afrique en 2019 (ARII)

Indice d'intégration régionale de l'Afrique en 2019 (ARII)

Source: The 2019 Africa Regional Integration Index (ARII)

 

Elle est également importante pour la consolidation de la croissance, la création d’emplois de qualité, la promotion de la sécurité sociale ainsi que pour la réduction de la vulnérabilité de certains pays à la dégradation des cours des produits de base et aux chocs extérieurs. En effet, des mutations en faveur d’un mouvement de travailleurs des formes d’emplois à faible productivité vers des emplois à plus forte productivité peuvent constituer un catalyseur important de croissance économique et un levier de création d’emplois décents.

Exemple : une transformation structurelle est essentielle pour l'Angola

Exemple : une transformation structurelle est essentielle pour l'Angola

Source : Calcul de l’auteur sur la base des données de la CNUCED et du BIT

 

La priorité pour réussir les objectifs de la ZLECAF et d’autres initiatives africaines est d’éliminer les contraintes pesant sur l’aboutissement d’une transformation structurelle en faveur d’une plus grande productivité et croissance, mais aussi de création d’emplois décents et de complémentarités continentales, entre autres.

Cela devrait relancer les discussions continentales sur l'initiative 2008 de développement industriel accéléré pour l'Afrique (AIDA), et concentrer les efforts sur le plan d’action pour stimuler le commerce intra-africain (BIAT), qui est le frère jumeau de la ZLECAF. L’AIDA fixe comme objectif la maximisation de l'utilisation des capacités productives et des intrants locaux, la valorisation et la transformation locale des ressources naturelles, alors que le BIAT adopte comme cible d’approfondir l’intégration des marchés en Afrique et de faire du commerce un instrument plus efficace de réalisation d’un développement socioéconomique rapide et viable.

Enfin, la transformation structurelle s’annonce indispensable pour atténuer certains effets négatifs de la mise en œuvre de l'accord de la Zone de libre-échange continentale, tels que la hausse des inégalités des revenus et du chômage (The African Continental Free Trade Area : Potential Economic Impact and Challenges ; FMI, 2020). Cela ne peut se faire dans un contexte de rigidité des règlements de travail et de manque de mécanismes de sécurité sociale

La figure, ci-dessous, montre clairement que la majorité des pays de l’Afrique Sub-Saharienne se dotent d’une réglementation restrictive à l’embauche et au licenciement, comparativement à des pays ayant des marchés de travail dynamiques, à l’image des Etats-Unis.

banque mondiale

 

De tels règlements -très rigides- réduisent la capacité des entreprises à s’adapter aux cycles de production et entrainent un sureffectif en période de ralentissement de l’activité, et une demande d’emplois moins que ce qu’elle devrait être en période de reprise. Pour l’Afrique sub-saharienne qui a bénéficié de deux décennies de croissance économique, c’est le deuxième fait qui a été constaté : une activité croissante mais sans que cette dernière s’accompagne d’une création conséquente d’emplois au sein du secteur formel.

En outre, des modèles de flexisécurité adaptés à la réalité des économies africaines, dominée par l’informel, s’annoncent capitaux. L’output décisif de ces modèles est la réussite d’un juste équilibre entre flexibilité du marché du travail, protection sociale, politiques actives du marché du travail et formation de la main-d’œuvre, notamment sous le prisme d’apprentissage tout au long de la vie qui permet, entre autres, la mobilité et la reconversion.

 

 

Articles utiles :

  • Potentiel du commerce extérieur entre le Maroc et ses partenaires africains : Application d’un modèle de gravité. Tayeb Ghazi et Yassine Msadfa.

https://www.policycenter.ma/sites/default/files/Livre%20Web-%20Transformation%20structurelle_0.pdf

  • Défis pour l’intégration régionale en Afrique : approche par les concepts de convergence macroéconomique et réelle. Tayeb Ghazi et Yassine Msadfa.

https://www.policycenter.ma/sites/default/files/_Atlantic%20Current%202017%20FR%20%20%28Web%29_0.pdf

RELATED CONTENT

  • Authors
    Amanda O. Mathe
    April 3, 2020
    The Mara Group, producer of the Mara smartphone, has set up manufacturing facilities in two key strategic countries, Rwanda and South Africa, with a total estimated investment of $100 million. On the back of political shifts in South Africa, President Cyril Ramaphosa embarked on an investment drive, announced in his state of the nation address in 2018. This was followed up with an investment conference, at which Ashish Thakkar, CEO of Mara Group, announced a $100 million investment ...
  • March 20, 2020
    The Service sector is central to economic growth, trade and employment across the world. Trade in services has increased from 8.5 per cent of global GDP in 1995 to 13.1 per cent of GDP in 2017. However, Africa is taking less advantage of these opportunities than others. In this policy brief we highlight important misconceptions that may be holding back services exports in Africa. The potential for services sector growth and services exports from low levels in Africa is large. Polici ...
  • Authors
    March 17, 2020
    The United Nations Economic Commission for Latin America and the Caribbean (UN-ECLAC) defines regional integration as a “multidimensional process which may take the form of coordination, cooperation, convergence and deep integration initiatives and whose scope extends not only to economic and trade issues, but to political, social, cultural and environmental ones as well.” As an organizing principle, the concept of regional integration has been around for some time in various config ...
  • March 9, 2020
    The Moroccan diaspora contributes in major ways to Morocco’s economic development. Moroccan migrants ease the country’s chronic unemployment and underemployment problems, send remittances, invest in the home country, and typically visit Morocco frequently as tourists. In addition to that migrants usually retain close links with Morocco, and help in less direct ways to forge trade and third-party investment links between Morocco and their host countries. Drawing on the relatively sma ...
  • Authors
    January 20, 2020
    Le 3 octobre 2016, la Turquie a déposé une plainte contre le Maroc devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) au sujet des mesures antidumping appliquées par le Maroc contre les exportations turques en Acier laminé à chaud.1 Suite à l’échec des consultations entre les deux pays, la Turquie a demandé, le 12 janvier 2017, l’établissement d’un groupe spécial pour examiner la conformité des mesures prises par le Maroc avec le droit de l’OMC. Demande qui marque le passage du litige ...
  • Authors
    Numéro spécial du cahier du plan - Volume 2
    December 18, 2019
    Lors du colloque autour du thème « Croissance économique au Maroc : théories, évidences et leçons des expériences récentes », organisé conjointement par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) et le Policy Center for the New South et accueilli par le HCP en mai 2017 dans ses locaux à Rabat, des experts et praticiens de près de 30 institutions académiques et non académiques ont échangé et débattu de la croissance économique au Maroc dans un framework transverse alliant le théorique au pra ...
  • Authors
    December 11, 2019
    The Atlantic Current’s 6th edition provides overview, fresh insights, latest data, and broader analysis on the Atlantic space’s current challenges, as well as their implications for the South. Different chapters explore emerging trends and critical issues, such as the World Trade Organization reform, Brexit and the future of EU, the expansion of militancy in the Sahel and Coastal Africa, the role of cultural diplomacy and the deepening of Sino-African relations within a shifting an ...
  • November 19, 2019
    Pour le n•165 - automne 2019, Politique Internationale a interviewé Karim El Aynaoui, président du Policy Center for the New South, au sujet de la zone de libre échange continental, pour le dossier spécial « développement: les voies africaines ». Il y répond notamment aux questions suivantes : en quels termes faut-il repenser le développement  de l’Afrique ? Comment l’approche marocaine se définit-elle ? la façade atlantique de l’Afrique et l’importance de ses échanges avec l’Améri ...
  • November 5, 2019
    In this brief, we review the evidence on Morocco’s export concentration, discuss its causes, and then draw some policy implications. The main message is that Morocco needs to raise its game in some less familiar markets and move outside its comfort zone. This implies not only investments by private firms, greater efforts on export promotion by the government and professional associations, but also deeper changes within Morocco, including in its educational system. Over the past two ...
  • Authors
    Samuel Arnaud
    October 28, 2019
    Africa, as a continent of economic opportunities, is attracting foreign players. In this context, India is emerging as an important partner, especially for Eastern and Southern Africa. The complexity of its geopolitical environment combined with internal specificities motivated the revival of interest for the continent. This paper draws on historical developments between India and African countries to provide the state of play of recent linkages. Those trends are better perceived th ...