Publications /
Opinion

Back
BREXIT : Pourquoi un accord au finish est probable
November 13, 2020

A la veille des ultimes négociations sur les « relations futures », un accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) paraît probable.

D’abord, Londres voit s’envoler l’appui américain : contrairement à Donald Trump, le président élu Joe Biden est défavorable au Brexit. Il a annoncé qu’un accord commercial USA-Royaume-Uni serait exclu si une « frontière dure » était rétablie entre les deux Irlandes. Or, c’est justement ce qu’impliquerait une sortie sans accord : l’Irlande du nord deviendrait un territoire extra-communautaire soumis à contrôles douaniers pour ses échanges avec Dublin.

Un accord commercial avec les Etats-Unis sera indispensable pour valoriser le Brexit. L’élection américaine rétrécit ainsi la marge de manœuvre britannique. La signature d’un accord est aujourd’hui d’autant plus probable que, même sans l’arrivée d’un nouveau président aux Etats-Unis, une sortie sans accord aurait été, en réalité, peu probable.

La vraie raison tient aux « incitatifs » pesant sur l’Union européenne et le Royaume-Uni. Chacune des deux parties y perdrait, du fait des obstacles qui viendraient brusquement perturber leurs échanges. Après 47 années d’adhésion, ces échanges sont multiformes. Desserrer de tels liens réclame mille et une précautions. Possible avec un accord, impossible sans.

Peu importe la répartition des dommages : le résultat serait perdant-perdant. En pleine crise Covid-19, l’opinion publique ne comprendrait pas.

Par ailleurs, Londres présidera, en 2021, deux réunions internationales majeures : le Sommet du G7 et la Conférence sur le climat (COP26). Pour briller diplomatiquement, Johnson aura besoin du soutien américain et européen.

Le point-clé à décoder réside dans le profil du Premier ministre. S’il a affiché avec Trump une proximité, devenue lourde à porter depuis le 3 novembre, ceci ne signifie pas que l’équation politique des deux dirigeants soit identique. Le PM Johnson fait partie de l’élite britannique. En bon biographe de Churchill, il ne fait qu’user du « droit à l’excentricité » que cette élite revendique depuis longtemps. Ce droit est synonyme de liberté d’esprit, non de refus du réel. Le « populisme » de Johnson est relatif : lors du référendum de 2016, il n’avait opté pour le Brexit qu’au dernier moment. Et il a rapidement reconnu l’élection de Biden.

En réalité, le PM Johnson est l’homme de la « solution d’un problème », celui dans lequel sa prédécesseure Teresa May s’était empêtrée. Ce problème est le suivant : comment consentir aux (lourdes) concessions nécessaires à un accord sans blesser la fierté britannique ?

Casse-tête redoutable : en quittant l’Union européenne, Londres perd sa voix au chapitre, sans en finir vraiment avec les règles européennes, clés de l’indispensable accès au marché européen. Comment masquer ce résultat mitigé, peu conforme aux perspectives promises par les brexiters aux électeurs ?

Une seule méthode est possible : elle consiste à valoriser fortement, vis-à-vis de l’opinion publique nationale, et par tous les moyens, les quelques concessions que Londres aura arrachées. Parallèlement, celles consenties en retour seront minimisées. Cette méthode est familière aux ministres nationaux négociant à Bruxelles quand ils sont exposés chez eux à la surenchère des lobbies. Johnson connaît le procédé, car il a été correspondant de presse à Bruxelles. Il a décidé de l’employer à grande échelle. Là est son « secret ».

L’une des tactiques consiste à faire monter la tension avant une réunion pour paraître intraitable. C’est ce qu’avait fait Londres, en 2019, pour l’accord de divorce, signé in extremis et ratifié par la Chambre des Communes à une forte majorité. Pour pimenter l’exercice, l’on peut agiter des menaces. Plus elles sont provocantes, plus l’impact médiatique sera fort. C’est ainsi qu’il faut décoder le fameux projet consistant à ne plus respecter les « accords passés ». La tempête soulevée au Parlement britannique, loin d’être un désagrément, sert la tactique de Johnson.

Seul souci : savoir jusqu’où « aller trop loin ». Pour éviter la rupture, il faut rester réaliste et lâcher, discrètement, les concessions nécessaires. Parce qu’il est populiste d’adoption et non de tradition, Boris Johnson en est capable.

RELATED CONTENT

  • Authors
    Dominique Lecompte
    Thierry Vircoulon
    March 14, 2022
    Although it has largely gone unnoticed in France, the agreement signed on December 3, 2020 between the European Union (EU) and the Organisation of African, Caribbean and Pacific States (ACP) is a major shift in the long-standing relations between the EU and countries in the Global South. The EU established a development assistance policy as early as the Treaty of Rome in 1957, signed the first cooperation agreement in 1963, and nowadays is often the largest donor to these countries, ...
  • March 11, 2022
    L'opération militaire lancée le 24 février 2022 par les forces armées russes à l'intérieur du territoire de l’Ukraine a pour objectif déclaré d'empêcher l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) de se rapprocher de l”étranger proche” russe et de changer le régime à Kiev. Cette guerre, déclenchée par un membre permanent du Conseil de sécurité, a été menée en violation des principes cardinaux de la Charte des Nations unies. Elle a mis le monde au bord d’ ...
  • March 10, 2022
    Africafé est une émission du Policy Center for the New South qui décrypte l’actualité des organisations africaines et de l’Afrique. A travers de courtes interviews, l’émission tente de proposer d’aborder de manière pédagogique les enjeux des organisations africaines et l’actualité du co...
  • Authors
    March 2, 2022
    The White House  classified the speech as “remarks by President Obama to the People of Africa”, their representatives gathered at Mandela Hall, Addis Ababa,  Ethiopia, July 28, 2015. It was the first address by a US-President to the African Union. He was standing before the audience as “a proud American” and “the son of an African”. His father, Barack Hussein Obama, who grew up near a small village in Nyanza Province, Kenya, won a scholarship to study economics and made history- th ...
  • Authors
    March 1, 2022
    Dag Hammarskjöld, ancien secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) avait, mieux que quiconque, résumé le rôle et les limites de l’organisation onusienne en proclamant que « L'ONU n'a pas été créée pour emmener l'humanité au paradis, mais pour la sauver de l'enfer ». Cette vision minimaliste et, au demeurant, réaliste, de la capacité de l’ONU à réguler les rapports internationaux, cadre parfaitement avec la maturation inachevée du processus d’évolution du droit int ...
  • March 1, 2022
    يخصص مركز السياسات من أجل الجنوب الجديد حلقة برنامجه الأسبوعي "حديث الثلاثاء" لتقييم مخرجات القمة الاوروبية الافريقية ونموذج الشراكة الجديدة بين الطرفين، مع محمد لوليشكي، باحث بارز لدى مركز السياسات من أجل الجنوب الجديد. خلال القمة السادسة التي جمعت الاتحاديين في بروكسل وضع الاتحاد الأ...
  • Authors
    Patricia Ahanda
    February 23, 2022
    Le Sommet Union européenne (UE) - Union africaine (UA), qui s’est tenu à Bruxelles les 17 et 18 février 2022, entend marquer un tournant dans les relations entre les deux continents. L’agenda européen pour l’année 2022 met au centre de ses priorités les relations Europe - Afrique. Celles-ci sont aussi l'un des principaux axes défendus par la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) et le Président français Emmanuel Macron dans de son discours inaugur ...
  • Authors
    January 6, 2022
    Le président français Emmanuel Macron a de grandes ambitions pour l'Union européenne. Sa doctrine est d'approfondir l'intégration politique de l'Union. Donner à l'Europe l'esprit et les moyens pour faire face aux bouleversements écologiques, sécuritaires, énergétiques et technologiques qui menacent la place de l'Union dans un monde en profondes ruptures. La présidence française du Conseil de l'Union européenne pour le premier semestre 2022 est pleine de défis, mais c'est l'occasion ...