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Dans un monde marqué par l’émergence d’une instabilité géopolitique globale, par la non-linéarité et l’imprévisibilité croissante des rapports de force, le Maroc s’impose comme un leader pivot du Sud global.
Un acteur incontournable capable de relier continents, blocs et cultures dans un moment de recomposition internationale.
Cette position repose sur une vision royale au long cours portée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, une agilité diplomatique fondée sur le non-alignement exclusif, le multi-ancrage et sur un rayonnement international qui conjugue patrimoine, religion, culture, diaspora, sport et innovation.
Elle s’appuie également sur une capacité de médiation dans un environnement africain et atlantique instable, ainsi que sur des réformes internes destinées à renforcer la cohésion et l’attractivité du pays.
En 2025, cette dynamique prend une dimension nouvelle avec l’Initiative atlantique africaine, la consolidation de « l’Offre Maroc » comme instrument géoéconomique global, l’exercice stratégique ‘’African Lion’’, le soutien explicite des États-Unis et de la France à la marocanité du Sahara, et un contexte sahélien marqué par la fragmentation sécuritaire.
Ensemble, ces éléments renforcent la fonction de pont stratégique du Royaume du Maroc et inscrivent son action dans la transformation des équilibres mondiaux.
L’Afrique stratégique : vision, ancrage et « Offre Maroc »
Depuis son retour au sein de l’Union africaine (UA) en 2017, le Maroc ne se contente pas d’être un simple acteur en Afrique. Visionnaire, il contribue à façonner les nouvelles architectures économiques, sécuritaires et politiques d’une Afrique stratégique appelée à devenir incontournable en matière de ressources et de potentiels géoéconomiques.
La diplomatie du Royaume s’appuie sur une coopération Sud–Sud active, sur des investissements ciblés dans des secteurs structurants (finance, télécoms, agriculture), et sur un réseau d’alliances allant de la Communauté des États Sahélo-Sahariens à l’Union du Maghreb Arabe.
Au cœur de cette approche se trouve « l’Offre Maroc » : un concept qui dépasse la seule dimension énergétique pour englober la compétitivité économique, l’intégration dans les chaînes de valeur globales, le développement d’infrastructures stratégiques (Tanger Med, corridors ferroviaires, zones industrielles), la stabilité institutionnelle et un cadre réglementaire favorable à l’investissement.
Ce positionnement en fait non seulement un fournisseur fiable de ressources, mais aussi un pôle d’innovation et de connectivité pour l’Afrique et au-delà. Le discours royal du 29 juillet 2025 illustre cette vision en articulant trois axes :
structurer l’Initiative atlantique africaine ;
relancer la coopération stratégique au sein du Maghreb ;
accélérer les réformes nationales pour réduire les disparités régionales et renforcer la montée en compétences.
L’Atlantique africain : nouveau théâtre géostratégique
Longtemps périphérique dans les stratégies globales, l’Atlantique africain devient un corridor de croissance et de sécurité. Tanger Med, classé par la Banque mondiale (BM) comme l’un des hubs logistiques les plus performants au monde (23ᵉ port mondial en volume de conteneurs en 2024), incarne cette montée en puissance.
La 3ᵉ Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC3) et le Sommet « Afrique pour l’Océan », co-présidé par le Maroc et la France en juin 2025, consacrés aux enjeux de l’économie bleue sur le continent, illustrent le rôle du Royaume du Maroc comme porte-voix d’une vision africaine inclusive de la gouvernance maritime.
Des événements réunissant hauts responsables, acteurs politiques, économistes, intellectuels et jeunes leaders émergents, tels que ceux faisant partie de la communauté des Atlantic Dialogues Emerging Leaders (ADEL) du Policy Center for the New South, sont autant de vitrines idéologiques de cet atlantisme, désormais pensé et structuré par le Maroc.
Ainsi, le Royaume s’impose comme architecte d’une géographie atlantique multipolaire, reliant l’Afrique à l’Europe et aux Amériques et intégrant cet espace dans l’agenda global.
Un récit entre sécurité narrative et ‘’soft power’’ international
Le Maroc ancre son influence dans un récit maîtrisé : patrimoine pluriel, culture vivante, diplomatie religieuse modérée et éducation comme vecteur d’influence.
La musique Gnaoua, classée par l’UNESCO patrimoine mondial de l’humanité, les restaurations de médinas ou encore le partenariat UNESCO–UM6P–OCP (6,2 M USD, 2025–2028) illustrent cette stratégie.
La diaspora marocaine, forte de plus de 5,3 millions de personnes selon l’OCDE (Organisation mondiale du commerce et du développement économiques), constitue un réseau de connecteurs, d’influence transnationale, qui alimente le soft power du Royaume du Maroc.
La diplomatie sportive complète cet arsenal d’impact. Des événements tels que la CAN 2025 et la future Coupe du Monde 2030, coorganisée avec l’Espagne et le Portugal, renforcent la visibilité internationale du Maroc et son image de pays-pont entre nations, moderne et ouvert à la coopération avec l’Europe et les autres pays de son continent d’appartenance : l’Afrique.
Diplomatie énergétique et interdépendances
Leader africain du solaire et pionnier de l’hydrogène vert, le Maroc a investi plus de 5,2 milliards USD dans les énergies renouvelables (Banque mondiale, 2024).
Mais, l’« Offre Maroc » énergétique ne se limite pas au commerce : elle s’accompagne d’une diplomatie créant des interdépendances équilibrées.
Le Partenariat vert Maroc–Union européenne, les interconnexions électriques avec l’Europe et les projets d’extension vers l’Afrique de l’Ouest positionnent le Royaume comme un hub d’énergie propre et un acteur clé de la transition mondiale.
Médiation et posture sécuritaire dans un Sahel fragmenté
La fragmentation sécuritaire du Sahel, amplifiée par la sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO, renforce le rôle de médiateur du Maroc.
L’exercice ‘’African Lion’’, organisé par les États-Unis et le Maroc, avec la participation de plusieurs autres pays, notamment africains, témoigne de la capacité du Royaume à agir comme partenaire militaire crédible et stabilisateur dans une région sous tension.
Partenariats équilibrés et agilité diplomatique
Le Maroc maintient un dialogue ouvert avec la Chine, l’Inde et le Brésil, tout en consolidant ses alliances avec les États-Unis, l’Union européenne et les pays du Golfe. Le soutien réitéré de Washington et de Paris à la marocanité du Sahara renforce le capital diplomatique de Rabat et son statut de pivot régional.
La visite d’État, justement à Rabat, du président français Emmanuel Macron en octobre 2024, ponctuée par la signature du « Partenariat d’exception renforcé », illustre cette capacité à réactiver, approfondir et élargir ses alliances. Mobilisant plus de dix milliards d’euros, cet accord dépasse le simple registre économique : il combine transition énergétique, modernisation des infrastructures, coopération universitaire, sécuritaire et culturelle.
Il entérine également la reconnaissance par la France du plan d’autonomie du Sahara, renforçant la position diplomatique marocaine sur un dossier clé.
Influence multilatérale et enjeu du Conseil de sécurité
Six fois membre non-permanent du Conseil de sécurité, le Maroc soutient la réforme onusienne selon le Consensus d’Ezulwini, adopté par l’Union africaine en 2005.
Ce texte fondateur réclame pour l’Afrique deux sièges permanents avec droit de véto et cinq sièges non-permanents supplémentaires, afin de corriger l’exclusion historique du continent dans la gouvernance mondiale.
En endossant cette position commune africaine, le Maroc confirme son engagement en faveur d’une représentation équitable et son rôle de passerelle entre les aspirations africaines et les acteurs influents du système international.
Cette posture illustre sa capacité à conjuguer solidarité continentale et diplomatie globale, renforçant ainsi son statut de pivot stratégique dans un Sud global en recomposition.
En 2025, la participation active du Maroc aux débats sur le multilatéralisme à l’Assemblée générale de l’ONU souligne son rôle d’architecte de coalitions et de passerelle entre blocs.
Chantiers intérieurs et défis : inclusion, climat, modernisation éducative
Avec un Indice de Développement Humain de 0,683 (PNUD, 2023) et une 88ᵉ place au Global Gender Gap Index 2025 (WEF), le Maroc progresse mais reste confronté à des défis.
Les priorités internes incluent :
- réduction des inégalités régionales;
- modernisation éducative et formation;
- lutte contre la sécheresse via la dessalinisation et la gestion durable de l’eau;
- transition énergétique verte.
En renforçant sa résilience interne, le Maroc consolide la base de son rayonnement externe.
Conclusion
En 2025, le Maroc conjugue stabilité interne, portée géoéconomique, agilité diplomatique et ‘’soft power’’ affirmé. L’« Offre Maroc » en fait un pôle compétitif au service de l’Afrique stratégique, tandis que son engagement multilatéral et atlantique confirme sa place de leader pivot dans un Sud global en recomposition.
Bibliographie
Royaume du Maroc – Discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l’occasion de la Fête du Trône 2025. Lien
Banque mondiale – Port Performance Index 2024. Lien
World Economic Forum – Global Gender Gap Report 2025. Lien
OCDE – Perspectives économiques sur le Maroc 2024. Lien
Ministère de l’Environnement – Partenariat vert Maroc–UE. Lien
UNESCO – Inscription de la musique gnaoua au patrimoine immatériel. Lien
Fondation OCP / UM6P – Partenariat UNESCO 2025–2028. Lien
Ambassade des États-Unis au Maroc – Exercice African Lion 2025. Lien
Reuters – Soutien américain à la souveraineté marocaine sur le Sahara. Lien
Agence Française de Développement – Stratégie Maroc 2022–2026. Lien
Troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan. Lien
Présidence de la République française – Déclaration sur le « Partenariat d’exception renforcé » avec le Maroc, octobre 2024. Lien
Union africaine – Consensus d’Ezulwini (mars 2005). Lien