Publications /
Opinion

Back
Joel Mokyr, Philippe Aghion et Peter Howitt consacrés Prix Nobel d’Économie 2025
October 15, 2025

Depuis que l’économie a été reconnue par les Nobel, en1969, c’est à cette discipline qu’il revient de clore les cérémonies annuelles d’attribution des Prix aux lauréats. Pour cette année 2025, c’est le 13 octobre que  l’Américano-Israélien, Joel Mokyr, le Français, Philippe   Aghion, et le Canadien, Peter Howitt, ont été consacrés Prix Nobel de l’Économie.

Joel Mokyr, historien de l’économie américaine, à qui a été attribuée la moitié du Prix, est Professeur à l’université Northwestern  et dont les travaux vont bien au-delà de l’analyse des chiffres et des tendances. Entre autres publications, il a à son actif un ouvrage de référence, publié en 2016 :’’ A culture of Growth :The Origins of the Modern Economy ‘’ (Princeton University Press ). Dans cet ouvrage, le lauréat postule que la révolution industrielle est le résultat des cultures et des institutions. Sa capacité à tisser des liens entre l’économie, la science et la culture s’exprime aussi dans  ‘’ the Lever of Riches ‘’ publié en1990 ( Oxford University Press) et dans ‘’ The   Gifts of Athena ‘’, publié en 2002 (Princeton University Press), ouvrages dans lesquels il développe une analyse originale des mécanismes d’innovation, mettant en lumière le rôle central des idées et des connaissances dans les révolutions industrielles. Pour Mokyr, l’histoire  économique ne saurait se limiter aux ressources et à l’accumulation du capital, soutenant que la révolution industrielle britannique est profondément ancrée dans une culture des lumières. L’Américano-israélien  soutient aussi que la fragmentation politique, que l’on retrouve en Europe avec un nombre important d’États européens, permet aux   idées hétérodoxes   de   se développer.  Leurs auteurs, si nécessaire, pouvant, en cas de nécessité, trouver refuge dans un État voisin où ils pourront continuer à les développer.  ses travaux, Joel Mokyr nous rappelle, enfin, que la prospérité ne se mesure pas seulement en PIB, mais aussi en richesse 

intellectuelle et culturelle. En distinguant Joël Mokyr, le jury Nobel a tenu à  souligner l’importance de travaux « ayant identifié les conditions nécessaires à une croissance durable par le progrès technologique », où l’optimisme l’emporte, si on veut ne pas oublier que c’est le capital culturel de l’Europe, davantage que les matières premières, qui a permis aux sociétés européennes de prendre une avance technologique sur le reste du monde.

Philippe Aghion, économiste français, et Peter Howitt, économiste canadien : deux économistes post schumpétériens distingués par le jury Nobel pour « leur théorie de la croissance soutenue par la destruction créatrice ». P. Aghion et P. Howitt, qui se partagent l’autre moitié du Prix, publient en 1992 ‘’ A Model of Growth Through Creative Destruction ‘’ (Econometrica Vol.60 N2 p.323-351), suivi, en 1998, d’un livre ‘’ The Endogenous of Gowth theory’’  (Cambridge MIT Press ). 

Leur approche, caractérisée par la prise en compte du concept schumpétérien de « destruction créative », rappelle que les innovations rendent obsolètes les anciennes technologies, créant des rentes de situation, lorsqu’elles sont trop importantes, permettant d’établir des barrières à l’entrée de nouvelles firmes sur le marché. Ce qui risque de pénaliser toute motivation, conduisant alors à un ralentissement de la croissance. C’est le paradoxe de la destruction créatrice. Paradoxe qui souligne que le progrès n’est jamais définitivement acquis, ce qui oblige la société à rester constamment ouverte au changement, à la recherche d’innovations   technologiques   majeures.  

Dès l’annonce du Prix, Philippe Aghion a tenu à rappeler que « l’ouverture est un moteur de croissance, et que tout ce qui entrave l’ouverture est un obstacle à la croissance ». À un moment où les États-Unis continuent de relever leurs droits de douane, ce rappel est aussi une mise en garde à l’Europe qui ne doit pas laisser les États-Unis et la Chine avoir le monopole des technologies majeures. C’est, aussi, un constat, celui d’une Europe qui n’a pas su, ou n’a pas pu, mettre en œuvre des innovations majeures, se contentant d’innovations technologiques moyennes. C’est, enfin, l’occasion de déplorer   un écosystème   financier européen peu propice à l’innovation.

Aujourd’hui, la mondialisation est remise en cause, le retour au protectionnisme avec des droits de douane américains disparates, atteignant des taux records en témoigne dans un monde économique de plus en plus fragmenté. C’est pourquoi, le choix des Nobel d’Économie 2025 nous paraît particulièrement pertinent.  Comme l’an dernier, ce sont   trois économistes qui ont été privilégiés. Ils ont en commun d’être diplômés d’universités nord-américaines   prestigieuses : Harvard / P ;Aghion, North western / P .Howitt, Yale /J. Mokyr. Trois chercheurs incontestés dans leur domaine et reconnus par leurs pairs, qui succèdent à : Daron Acemoglou (MIT), Simon Johnson (MIT), James A . Robinson (Université de Chicago).

 

RELATED CONTENT

  • Authors
    Yassine Msadfa
    February 25, 2019
    La transformation structurelle d’une économie demeure un point de passage nécessaire pour toute nation qui souhaite gravir les échelons du développement, cette transformation est souvent tributaire de la capacité d’une économie à s’ériger d’une société agraire de subsistance, dans son stade initial, vers une économie de productivité. Pour ce qui est du Maroc, le débat a pris de l’ampleur quant à la capacité des dynamiques actuelles à accélérer le rythme de l’activité économique au p ...
  • Authors
    February 20, 2019
    Ce papier évalue les effets asymétriques des cycles économiques sur le chômage et la pauvreté au Maroc, à travers un modèle VAR estimé sur des données trimestrielles allant de 2003 à 2012. Ce modèle inclut les composantes cycliques de quatre variables à savoir : l’output-gap, le salaire minimum réel, le taux de chômage et le taux de pauvreté. Afin de tester la robustesse des résultats, deux versions du modèle VAR ont été estimées, en utilisant les composantes cycliques calculées se ...
  • Authors
    Olalekan Samuel
    Mma Amara Ekeruche
    Adedeji Adeniran
    February 12, 2019
    This study was carried out within the framework of the Global Economic Governance Africa (GEGAfrica) funded by the UK Department for International Development. The GEGAfrica programme is a policy research and stakeholder engagement aimed at strengthening the influence of African coalitions at global economic governance forums and increase, inter alia, the visibility and the outreach of African views at the regional and worldwide levels. Policy Center for the New South was requested ...
  • Authors
    February 6, 2019
    Ce papier examine la plainte initiée par la Turquie devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre le Maroc au sujet des droits antidumping appliqués aux produits d’acier laminés à chaud. La plainte de la Turquie constitue à la fois un précédent et une opportunité. Un précédant d’abord, car jamais le Maroc n’a été impliqué, ni en qualité de partie plaignante ni en qualité de partie défenderesse, dans une affaire devant le GATT ou l’OMC. Une opportunité ensuite, par ce que l ...
  • Authors
    February 6, 2019
    This paper examines Turkey's case against Morocco before the World Trade Organization (WTO), over anti-dumping duties on hot-rolled steel products. Turkey's complaint constitutes both a precedent and an opportunity. First, it is a precedent in that Morocco was previously never involved in a case before GATT or WTO, neither as a plaintiff nor as a defendant. Second, it is an opportunity as the evaluation of the legal process of the complaint enables an assessment of adequacy of Moroc ...
  • Authors
    January 31, 2019
    Without reforms, financial markets’ optimism may crumble – and bring the house down. Judging by the reaction of financial markets, the Brazilian economy started the year at high speed. The real is among the world’s best-performing currencies so far in 2019 and the main stock market index Ibovespa hit a string of record highs leading into last week, when it broke the 97,000-point mark. Future interest rates have fallen sharply.  Foreign investors are buying in as well. The pre ...
  • Authors
    Mouhamadou Moustapha Ly
    January 30, 2019
    En l’espace d’une année, la Banque mondiale (BM) a enregistré deux démissions parmi son top management. Il y a douze mois (Janvier 2018), Paul Romer quittait la Banque mondiale pour retourner dans le monde académique. Au début de ce mois de janvier 2019, Jim Yong Kim annonce son départ de la présidence de la même institution pour rejoindre une autre spécialisée dans le financement des infrastructures.  Pour Paul Romer, les critiques à l’endroit du classement Doing Business, et ...
  • Authors
    January 16, 2019
    The trade war between China and the United States roils stock markets, and the World Trade Organization is at risk of extinction because major players ignore its rules. But the fierce controversy surrounding the Global Compact on Migration, a mild and non-binding document which several of the countries gathered in Marrakesh – including about one-third of EU members - refused to sign, shows that migration is even more radioactive than trade. As they face a backlash against globalizat ...
  • Authors
    January 14, 2019
    Last week Jim Yong Kim, president of the World Bank, unexpectedly announced his resignation, effective as soon as next month and three and a half years prior to the end of his second mandate. Given the current environment of challenged and weakened multilateralism, the aftermath of his succession has a relevance that transcends the limits of that institution. While an analyst has alluded to President Kim as “voting with his feet” on the World Bank's loss of significance i ...
  • Authors
    Michael Baltensperger
    January 13, 2019
    China’s Belt and Road Initiative (BRI) is an international trade and development strategy. Launched in 2013, it is one of the ways China asserts its role in world affairs and captures the opportunities of globalisation. The BRI has the potential to enhance development prospects across the world and in China, but that potential might not be realised because the BRI’s objectives are too broad and ill-defined, and its execution is too often non-transparent, lacking in due diligence and ...