Publications /
Opinion

Back
Pétrole et gaz au Sénégal : cap sur 2023
Authors
October 18, 2021

Dans une Opinion publiée par le Policy Center for the New South le 27 septembre à propos d’une récente découverte d’hydrocarbures en Côte d’Ivoire, nous indiquions que l’Afrique avait un important potentiel pétrolier et gazier et que ce potentiel était largement sous-exploité. Dans la même région, un autre pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Sénégal, est sur le point de devenir un pays producteur et exportateur d’hydrocarbures (pétrole et gaz naturel). L’horizon est 2023.

Pour faire le point sur la situation de ce pays au regard des hydrocarbures, voici quelques éléments clés.

De quel projet ou de quels projets est-il question ?

Deux projets sont en cours de développement en vue d’une mise en production en 2023 : un projet gazier et un projet pétrolier. Parmi leurs points communs, ils sont tous les deux offshore (au large des côtes du pays), les découvertes concernées remontent à la même période (2014-2015), celles-ci ont été réalisées par des firmes étrangères, ces entreprises sont américaines ou britanniques et elles ne figurent pas parmi les géants de l’industrie pétrolière. Ces deux projets permettront au Sénégal de devenir un pays producteur et exportateur de pétrole et de gaz naturel.

Il y a, cependant, deux différences notables entre ces projets. La première porte sur leur taille. Le projet pétrolier est important mais le projet gazier est très important (voir ci-dessous). La seconde porte sur le fait que le projet gazier implique deux pays, le Sénégal et la Mauritanie, car les découvertes réalisées à partir de 2015 sont situées de part et d’autre de la frontière maritime entre ces deux voisins. Le projet couvre cinq permis, dont deux au large du Sénégal et trois au large de la Mauritanie. Par contre, pour le pétrole, les découvertes faites en 2014 relèvent uniquement de la souveraineté du Sénégal.

Qui sont les acteurs industriels concernés par ces deux projets ?

Pour le projet gazier (dont le nom est GTA), le consortium est composé du géant britannique BP, de Kosmos Energy (Etats-Unis) et des sociétés nationales des deux pays concernés, Petrosen (Sénégal) et la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH). Les participations de BP sont de 60% au Sénégal et de 62% en Mauritanie. Celles de Kosmos sont de 30% et de 28% respectivement. Les intérêts de Petrosen au Sénégal et de la SMH en Mauritanie sont de 10% chacune. Pour le projet pétrolier, la compagnie australienne Woodside Energy détient une participation de 82% en association avec Petrosen (18%). BP et Woodside sont les opérateurs de ces deux projets, c’est-à-dire les leaders.

Quels sont les volumes de production envisagés ?

Pour le pétrole, la production serait de l’ordre de 100 000 barils par jour en phase de plateau, soit environ 5 millions de tonnes par an. Pour le gaz, le projet sera réalisé en phases. A l’issue de la première phase, en 2023, la production de gaz naturel liquéfié (GNL) sera de 2,5 millions de tonnes par an. Elle pourrait atteindre 10 millions de tonnes/an à terme.

Comment seront valorisés les hydrocarbures qui seront produits ?

Les futures productions de pétrole et de gaz naturel auront l’exportation pour débouché principal. Pour le gaz naturel, une petite partie de cette production alimentera le Sénégal et la Mauritanie. Mais la plus grande partie sera exportée sous forme de GNL transporté par bateau (méthaniers). Le GNL sera commercialisé par BP Gas Marketing. Le groupe britannique estime que le projet gazier Sénégal/Mauritanie est bien placé pour exporter du GNL vers les marchés de l’Europe, de l’Amérique du Sud et de l’Asie.

Pourquoi le projet gazier est-il un projet ‘’de classe mondiale’’, selon BP ?

Les ressources gazières récupérables sont estimées à environ 420 milliards de mètres cubes, ce qui est déjà très important. Pour mieux s’en rendre compte, on peut comparer ce chiffre à la consommation gazière de l’ensemble du continent africain en 2020. Celle-ci était de 153 milliards de mètres cubes, selon la BP Statistical Review of World Energy publiée en juin 2021. Le projet pourrait, donc, et en théorie, couvrir toute la consommation gazière de l’Afrique pendant un peu moins de trois ans.

Ces 420 milliards de mètres cubes ne donnent d’ailleurs qu’une idée partielle du potentiel gazier du projet Sénégal/Mauritanie. BP n’exclut pas que la zone puisse contenir jusqu’à 2 800 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Mais il faudra plus d’exploration pour confirmer ou infirmer une telle évaluation. Ce qui est certain, d’ores et déjà, c’est que le potentiel confirmé est suffisant pour lancer un très gros projet gazier. C’est l’une des raisons clés qui a fait que BP, la troisième plus grande compagnie pétrolière privée dans le monde après ExxonMobil et Royal Dutch Shell, soit entrée dans ce projet et qu’elle ait pris la direction des opérations. Il n’est pas étonnant que les géants pétroliers, que l’on appelle les Majors, soient intéressés par des projets géants.

 

 Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que leur auteur.

 

RELATED CONTENT

  • November 19, 2021
    This Podcast is based on a Policy Brief by Rim Berahab and Uri Dadush. It examines how Morocco progresses on the mitigation component of its Nationally Determined Contribution (NDC) targe ...
  • November 9, 2021
     Lors de la COP 26, il est probable que l'on accorde plus d'attention aux grands émetteurs comme la Chine et les États-Unis qu'à la situation des petits pays en développement, pourtant plus exposés aux conséquences du changement climatique. Le Maroc fait partie de cette catégorie. Ce Policy Brief examine les objectifs d'atténuation du Maroc dans le cadre de ses CDN et ses performances à ce jour avant de s'intéresser aux mesures nécessaires pour atteindre l'objectif à moyen terme de ...
  • November 9, 2021
     As COP 26 unfolds, more attention is likely to be paid to big emitters such as China and the United States than to the situation of small developing countries, even though they are more exposed to the consequences of climate change. Morocco falls into this category. This Policy Brief examines Morocco's mitigation objectives under its NDCs and its performance to date before exploring the needed measures to achieve the 2030 mid- term goal. Although Morocco has made significant progre ...
  • Authors
    November 2, 2021
    Quelques jours avant le début de la COP 26 à Glasgow, en Ecosse, la Commission africaine de l’énergie (AFREC) (a) a voulu souligner que le gaz naturel pouvait jouer un rôle important dans le paysage énergétique africain. Le 25 octobre, l’AFREC a publié un communiqué de presse pour mettre en valeur une ‘’note d’orientation politique sur l’énergie’’ qui avait été achevée en juillet 2021. Le changement climatique est largement causé par la production et la consommation massive des éne ...
  • Authors
    Sous la direction de : Philippe Chalmin
    October 25, 2021
    Fruit d’une collaboration étroite entre CyclOpe et le Policy Center for the New South (PCNS), le rapport Arcadia – pour Annual Report on Commodity Analytics and Dynamics In Africa – se fonde sur une réalité bien connue : les matières premières fa- çonnent et façonneront une large part de la physionomie des économies africaines et doivent, en raison de cette dimension stratégique, faire l’objet d’analyses dédiées. À cet égard, ce rapport est probablement unique. Il offre en effet un ...
  • Authors
    October 18, 2021
    Dans une Opinion publiée par le Policy Center for the New South le 27 septembre à propos d’une récente découverte d’hydrocarbures en Côte d’Ivoire, nous indiquions que l’Afrique avait un important potentiel pétrolier et gazier et que ce potentiel était largement sous-exploité. Dans la même région, un autre pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Sénégal, est sur le point de devenir un pays producteur et exportateur d’hydrocarbures (pétrole et ...
  • October 15, 2021
    The European Commission recently presented several legislative proposals as part of its “Fit for 55” initiative, designed to accelerate the reduction of greenhouse gas emissions and achieve carbon neutrality by 2050. A Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM) has been proposed as part of this initiative. The CBAM would be complementary to the EU’s Emission Trading Scheme (ETS), involving CBAM certificates issued to importers based on the integrated emissions intensity of the produc ...
  • Authors
    October 1, 2021
    Africa is often overlooked in international policy conversations about climate change, but the continent has not been spared extreme weather events. On the eve of COP26, in Glasgow, United Kingdom, in October 2021, and as the African Union formulates a climate strategy for the continent, it is worth recalling how global warming is affecting different parts of Africa and how the continent fits into policy conversations on climate change. ...
  • September 27, 2021
    L’Afrique a un important potentiel pétrolier et gazier, lequel est largement sous-exploité. On ne sera donc pas étonné par le fait que plusieurs pays africains sont sur le point de devenir de nouveaux pays producteurs et exportateurs de pétrole et/ou de gaz naturel et que d’autres, qui sont déjà producteurs, soient prochainement en mesure d’accroître cette production. Pensons notamment au Sénégal pour le pétrole et le gaz naturel ; à la Mauritanie pour le gaz ; à l’Ouganda pour le p ...