Publications /
Opinion

Back
Le cours de l’étain atteint des records historiques !
Authors
December 13, 2021

Dans le vaste univers des matières premières, il est commun de parler des « métaux de base » pour qualifier les « grands » métaux non ferreux que sont l’aluminium, le cuivre, l’étain, le nickel, le plomb et le zinc. L’homogénéité de ce groupe est, bien évidemment, toute relative et la dynamique des cours qu’ils ont suivi, chacun, depuis le printemps 2021 ne peut manquer de le rappeler. En effet, alors qu’ils avaient tous lourdement chuté au premier trimestre 2020, après le déclenchement de la pandémie de la Covid-19, et connu en suivant une forte progression qui s’est accélérée sur le premier semestre 2021, les prix de ces métaux ont, depuis, emprunté des chemins différents.

Une forte volatilité du cuivre, du nickel, du zinc et du plomb…

Le cuivre a, sans surprise, vu ses prix sur le London Metal Exchange (LME) connaître une très forte volatilité dans un contexte sanitaire mondial – et donc macroéconomique – encore très incertain avec la cinquième vague et le variant Delta, puis Omicron. Il a ainsi touché un plus haut niveau historique en mai avant de chuter assez lourdement au cours de l’été puis… de flamber de nouveau en octobre pour revenir peu ou prou à son record de mai. Plombé par les incertitudes sur la croissance mondiale et sur l’immobilier chinois, il est alors reparti sur un chemin baissier et s’échangeait à 9 543 USD/t (prix cash) le 10 décembre. Les tensions sur l’offre de long terme, dans un contexte marqué par des stocks officiels au LME ayant atteint leur plus bas niveau en seize années, devraient toutefois lui permettre de maintenir des cours historiquement élevés. Le nickel a également vécu une période particulièrement instable : il a dépassé le seuil de 20 000 USD/t sur le marché londonien début septembre puis celui de 21 000 USD fin novembre, avant de refluer et de s’établir à 19 960 USD/t ce même jour. Jamais, cependant, le prix record atteint en avril 2007 à près de 50 000 USD/t ni même celui de février 2011 (à 27 000 USD) ne semblaient pour l’instant atteignables. Cette grande instabilité, le plomb la subissait également, fléchissant en septembre pour rebondir le mois suivant et trébucher de nouveau. Le marché du zinc a, pour sa part, vu les producteurs tels que Glencore ou Nystar réduire leur offre sous l’effet de l’augmentation des prix de l’électricité, alors que la demande pour la galvanisation est bien présente. Ceci ne pouvait que se traduire par une flambée des cours, ce qui s’est produit en octobre : le prix cash sur le LME passait ainsi de 2 999 USD/t à 3 815 USD/t entre le 1er et le 18 octobre avant de revenir dans la bande des 3 200-3 400 USD/t sur les semaines suivantes.

Une production d’aluminium fortement contrainte

Parce qu’il faut, en moyenne, environ 13 500 KWh pour en produire une tonne, c’est toutefois l’aluminium qui a probablement le plus subi la crise énergétique. Il a vu son offre en provenance de Chine se réduire sous l’effet combiné de la lutte engagée par Pékin contre la pollution (une large proportion de la génération électrique nécessaire à cette production est alimentée par du charbon) et de cette augmentation des prix de l’énergie. Une sécheresse dans la province du Yunnan a, par ailleurs, limité le recours à l’hydroélectricité permettant de produire de l’aluminium bas carbone. D’un charbon devenu cher à une hydroélectricité peu disponible, les énergies primaires ont assurément orienté le marché du métal blanc ! La situation était telle que la Chine, pourtant premier pays producteur, a accru ses importations de métal blanc en 2021, tandis que les stocks du LME affichaient, eux aussi, un plus bas niveau depuis 2007. En septembre et octobre, une offre relativement dynamique en Amérique du Nord a néanmoins limité, dans l’amplitude et dans la durée, la progression des cours. Le prix cash de l’aluminium a cependant atteint, sur le marché londonien, USD 3 180/t le 18 octobre, avant de se replier, à la faveur d’une baisse des prix du charbon thermal, jusqu’aux premiers jours de novembre, passant alors sous le niveau de 2 500 USD/t. Il progressait toutefois sur les semaines suivantes et s’échangeait, le 10 décembre, à 2 625 USD/t.

L’étain au sommet

Si, malgré cette importante volatilité, la conjoncture s’est montrée favorable en 2021 pour la plupart des métaux, notamment ceux de la transition énergétique, c’est l’étain qui en a assurément tiré le plus grand parti ! Son prix cash (LME) a en effet atteint 41 000 USD/t le 25 novembre 2021, ce qui lui offrait une remarquable progression de près de 95 % (78 %, en moyenne mensuelle, entre janvier et novembre de cette même année, selon les statistiques de la Banque mondiale). À 39 159 USD/t en novembre, il dépassait ainsi de 21 % le précédent record d’avril 2011, à 32 363 USD/t. La situation était tout à fait inédite et, bien que l’étain ait reflué sous le seuil de 40 000 USD/t début décembre, elle devrait perdurer sur les mois prochains, si la situation sanitaire ne vient pas peser sur la croissance économique mondiale.

Comment comprendre cette envolée sans précédent ? L’étain évolue, en premier lieu, sur un marché étroit et dominé, du côté de l’offre d’étain raffiné, par la Chine. Or, dans sa lutte contre le variant Delta, Pékin a plusieurs fois fermé sa frontière avec le Myanmar, son principal pays fournisseur de minerai d’étain, depuis la décision de l’Indonésie (jadis premier exportateur mondial) de cesser l’exportation d’un certain nombre de minerais et de concentrés, dont ceux d’étain donc. Alors que la quasi-totalité des secteurs métallurgiques subissaient les conséquences des fortes tensions sur le marché de l’électricité, cette contrainte supplémentaire ne pouvait que peser sur l’offre et, par conséquent, sur les prix. Car, si la disponibilité du métal interroge, c’est aussi parce que la demande est forte. En 2020, 48 % de celle d’étain raffiné provenait, selon l’International Tin Association (ITA), des besoins en soudures et des semi-conducteurs. Deux forces antagonistes se manifestent néanmoins : d’un côté, une miniaturisation des appareils électroniques ou de leurs composants qui induit une diminution de la quantité d’étain requise pour les soudures, de l’autre, une demande structurellement croissante pour ces mêmes appareils, dans le secteur de l’automobile et des transports, du médical ou, de manière non exhaustive, des loisirs. En 2020 et 2021, c’est bien la seconde qui a dominé et elle pourrait se renforcer à la faveur du développement de la technologie 5G.

Ce lien étroit que l’étain entretient avec les secteurs électroniques ne doit pas faire oublier l’un de ses usages historiques : celui du « fer blanc » dans la fabrication de conserves. La tendance de long terme semble, certes, peu favorable à cette demande, mais la pandémie de la Covid-19 et les périodes de confinement ont entraîné une consommation accrue de produits alimentaires sous cette forme et l’étain en a profité ! Forte demande et offre contrainte : l’équation est donc simple et s’exprime sous la forme d’une contraction très importante des stocks en bourse, et notamment ceux du LME. Atteignant 645 tonnes le 2 novembre, ces derniers étaient au plus bas depuis… 1989 ! Pour mémoire, ils évoluaient de 7 000 tonnes sur les premiers jours de 2020. Dans ce contexte tendu, l’affirmation d’une spéculation haussière – tant par du stockage privé que par l’accroissement des positions acheteuses sur les contrats futures – ne faisait guère de doute ! Les annonces faites par le Président indonésien Joko Wido indiquant que son pays pourrait cesser toutes formes d’exportations de ce métal, incluant donc celles d’étain raffiné, n’était bien évidemment pas de nature à rassurer les marchés !

 Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que leur auteur.

 

RELATED CONTENT

  • Authors
    April 10, 2018
    Le lancement d’un contrat à terme pétrolier sur le Shanghai International Energy Exchange (INE) ne saurait être vu comme un évènement « technique » ou secondaire tant il préfigure ce que seront dans quelques années les marchés mondiaux de matières premières. Le Shanghai Futures Exchange (SHFE) et le Dalian Commodity Exchange (DCE) ont certes vu leurs volumes de trading augmenter considérablement sur la dernière décennie grâce à l’acier et au minerai de fer, ce qui pourrait laisser à ...
  • Authors
    March 15, 2018
    President Trump’s proclamation that, because of national security concerns, he will apply a 25% tariff on all steel and a 10% tariff on all aluminium imports into the United States – except provisionally and dependent on NAFTA negotiations those from Canada and Mexico – affects, respectively 5.1 billion Euros and 1.1 billion Euros of EU exports. These are not trivial sums. However, the invocation of the national security exception in this case has implications that go far beyond nar ...
  • Authors
    March 14, 2018
    Commodities are at the very heart of economic activity. From oil to wheat, from aluminum to coffee or rubber, we are all, in one way or another and to varying degrees, dependent on commodities. Different in terms of their physical properties but governed by common economic mechanisms, traded on global and oligopolistic markets, subject to intense competitive pressures and speculative bets, often marked by highly volatile prices, objects of geopolitical rivalries or cooperatives stra ...
  • Authors
    October 18, 2017
    Les cours des métaux, industriels notamment, se sont inscrits dans un mouvement haussier particulièrement marqué depuis janvier 2016 qui tranche avec les années difficiles de 2014 et 2015. À l’origine de cette dynamique : une sensible amélioration des fondamentaux du marché, tant du côté de la demande que de l’offre. L’importance des mouvements spéculatifs qui sous-tendent cette forte remontée des cours ne peut cependant être oubliée voire minimisée. Elle pose à court terme le ...
  • Authors
    October 18, 2017
    The prices of metals -most notably industrial metals- have risen significantly since January 2016, in contrast with 2014 and 2015, which were difficult years. This trend is due to substantial improvements in market fundamentals, both for demand and supply. However, the importance of speculative movements underlying this sharp rise in prices cannot be minimized or omitted. In the short term, it poses the risk of a correction linked to profit taking and a return to greater rationality ...
  • Authors
    Prepared by Global Nexus
    October 13, 2017
    Since inception nearly a century ago, corporations and industries have coevolved with Morocco’s legacy of peace and prosperity. With a growing pressure on agricultural production and natural resources, exacerbated with climate change, there is urgency to define sustainable strategies that would reassure corporations and industries for longterm prosperity and for a healthy economy. Studies have highlighted the perilous state of our natural environment, the exhaustion of our aquifers, ...
  • Authors
    October 3, 2017
    Traiter de la dynamique du prix des matières premières impose de caractériser trois phénomènes auxquels ils sont soumis : les tendances de (très) long terme, les cycles de moyen/long terme et la variabilité/volatilité à court terme (Jacks, 2013). Influençant fortement les économies des pays exportateurs, chacun d’entre eux appelle à la mise en œuvre de stratégies spécifiques, notamment en termes de politiques publiques. Ainsi, alors que la volatilité interroge sur la disponibil ...
  • Authors
    October 3, 2017
    Dealing with the dynamics of commodity prices requires the characterization of three phenomena to which they are subject: (very) long-term trends, medium / long-term cycles and short-term variability / volatility (Jacks, 2013). As they strongly infuence the economies of exporting countries, each of these phenomena calls for the implementation of specifc strategies, particularly in terms of public policies. Thus, whereas volatility raises the question of availability of hedging tools ...
  • Authors
    Can ÖĞÜTÇÜ
    Mehmet ÖĞÜTÇÜ
    September 29, 2017
    This paper discusses the expanding links between China, Central Asia and Russia over the past quarter a century, most recently via the Belt and Road Initiative (BRI), in geopolitics and trade/ investment, as well connections in oil, gas and electricity. These links that continue to expand are likely to change the current economic, political and energy landscape beyond recognition. They are forging mutual economics dependencies and reducing security risks. The paper also assesses wh ...
  • Authors
    Ahmed El Ghini
    Yassine Msadfa
    Youssef Saidi
    August 2, 2017
    Understanding the commodity markets development and dynamics is of first-order importance for the global economy, since they seem to impact the determination of a significant portion of incomes and welfare of both commodity-consuming and commodity-producing nations. Indeed, for many economies, especially developing countries, commodities remain an important source of export earnings, and commodity price volatility has a major impact on their overall macroeconomic performance. Conseq ...