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La géopolitique de l’Afrique centrale en question
Authors
Sabine Cessou
April 19, 2018

L’Afrique centrale a fait l’objet du focus sous-régional de la deuxième partie des cinquièmes Dialogues stratégiques, une rencontre biannuelle organisée le 11 avril dernier à Paris par l’OCP Policy Center et HEC. 

Renouveler le partenariat Europe-Afrique

Le débat s’est d’abord inscrit dans une réflexion générale sur « l’Afrique et le monde». Dans ce cadre, le partenariat traditionnel entre l’Afrique et l’Europe semble avoir besoin de se renouveler, dans la mesure où la politique européenne de voisinage avec le Maghreb n’a pas atteint ses objectifs de stabilité, de sécurité et de croissance partagée. Les multiples outils mis en place - processus de Barcelone, Union pour la Méditerranée - n’ont pas pu créer les conditions véritables d’un co-développement. En euros et par habitant, ce que consacre l’Europe au Maghreb et à l’Europe de l’Est affiche un différentiel de l’ordre de 1 à 20.

Ce partenariat a d’autant plus besoin d’un nouvel élan que la Chine est perçue, en Europe et de plus en plus en Afrique, comme une puissance néo-coloniale préoccupée d’abord et avant tout par ses intérêts. Pékin dispose déjà depuis août 2017 d’une base navale à Djibouti et prévoirait une présence militaire dans d’autres pays d’Afrique, dont l’Angola, fournisseur de pétrole. La France, en perte de vitesse sur le plan des affaires, avait la notion d’une clientèle acquise en Afrique. Elle fait face un Empire du Milieu qui lui, a une clientèle captive. 

Sortir des impressions dépréciatives au sujet de l’Afrique implique une connaissance plus fine du continent. Considérer l’axe Lagos-Abidjan dans le Golfe de Guinée comme une vaste zone dont les besoins sont immenses permettrait de conclure des contrats d’infrastructures par exemple, sans que les investisseurs européens ne soient effrayés par la capacité de nuisance des groupes islamistes armés du Nord du Nigeria, qui se trouvent loin du littoral. 

Multiplication de foyers de tension en Afrique centrale

Le contexte reste difficile en Afrique centrale, où un tableau sans concession a été dressé des situations politiques dans différents pays. En RDC, l’actuelle crise politique n’en est qu’à ses débuts, en raison d’une théorie du “glissement” du calendrier electoral qui permet au président sortant de se maintenir au pouvoir sans procéder à une modification de la Constitution, qui limite à deux le nombre de ses mandats successifs. Toujours en RDC, la province du Kasaï pose de graves difficultés sécuritaires, de même que l’Ituri et les deux Kivus. La situation au Burundi voisin aggrave les tensions dans la région frontalière du Sud-Kivu.

Au Cameroun, la question de la succession reste non posée avant la présidentielle de 2018, tandis qu’au Congo, l’obsolescence du pouvoir s’ajoute à l’autocratie avec une répression massive à l’oeuvre dans la région du Pool. Au Gabon, la prochaine élection présidentielle de 2020 s’annonce très tendue, en raison de la volonté du président sortant de se maintenir au pouvoir, dans le droit fil de son père, qui fut président à vie.

L’Afrique centrale, prochain “ventre mou” dans la lutte contre le terrorisme islamiste ? 

La faiblesse de l’Afrique centrale sur le plan de la gouvernance reste un motif d’inquiétude sur le plan géopolitique. Alors que le Tchad est en crise, le Sud-Soudan voisin reste un foyer de tension qui appelle d’autres crises éventuelles. En effet, les violences extrêmistes en Afrique viennent souvent se greffer sur d’autres conflits – ethniques, politiques ou liés à l’absence de l’Etat. Alors que les Al-Shebabs somaliens s’attaquent à des cibles jusqu’en Ouganda, la RDC et la RCA, deux Etats faibles et en crise, se trouvent dans une zone qui pourrait servir à faire la jonction avec les terroristes du Sahel et du lac Tchad. 

Un constat difficile pour la RDC comme la RCA, deux pays qui n’ont connu que la dictature ou la guerre et où les groupes armés pullulent. Malgré – ou à cause du pétrole, une malédiction pour certains – l’Afrique centrale reste à la traîne des progrès réalisés ailleurs en Afrique – même sur le plan de son intégration régionale, marquée par des avancées peu concrètes et un faible niveau de commerce intra-régional. En somme, cette région continue d’alimenter, de façon dommageable, un storytelling négatif autour du continent dans son ensemble. 
 

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